HIPPOCRATE - Thomas Lilti


SOUFFRANCE, SANTÉ ET SERVICE PUBLIC

 

Hippocrate haut d affiche

César 2015 du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur scénario original 
Prix Lumières 2015
 du meilleur scénario

 

     Notre première, incontournable, suggestion filmique Culture & Santé : la comédie dramatique et sociale Hippocrate de Thomas Lilti, sortie sur nos écrans en 2014, que notre petit écran repropose en prime time : mercredi 1 juillet (2020) à 21h00, sur France 4.

 

Thomas LiltiThomas Lilti
 

     Son réalisateur, médecin généraliste connaissant bien son sujet, nous offre une vision claire du milieu complexe et fragilisé de la santé, des structures de soin, de la souffrance des soignés et de moult soignants. Malaise et détresse des professionnels, socialement connus (mais pas assez re-connus), explorés et vécus de l’intérieur selon les codes du film documentaire. Frustrations dues, on le sait, à un secteur clé du service public encore en manque de moyens : effectifs réduits, équipements parfois obsolètes... Et institutions sanitaires soumises à la politique du chiffre, ou à une gestion manageriale qui en fait un système dans le système.
     Doutes et perplexités d’un jeune interne, gênes et non-dits, grèves et révoltes au sein d’une réalité qui - on le voit encore mieux aujourd’hui - nous concerne tous... Là où le "système D" – qui ne sauve pas des vies mais qui permet désespérément de renouer avec notre humanité profonde – consiste aussi et surtout, pour quelques référents infirmiers et médecins, en une attention, une parole et une douceur soignantes naturellement pratiquées jusqu’au bout du cœur… en attendant (et en se battant pour) une vraie reconnaissance et un changement humaniste à tout niveau.
       
Selon TV 7 jours - et selon nous - « le film de Thomas Lilti est à l’hôpital ce que Polisse de Maïwenn est à la police : une immersion réaliste, sans concessions et passionnante à hauteur d’hommes [même s'il faudrait en dire plus sur le film Polisse]. Mais Hippocrate est aussi une pépite qui confirme tout le bien que l'on pense du talentueux Reda Kateb, salué par un César pour son interprétation de toubib intègre », compétent et étranger (pas "étranger" pour autant aux services de santé, au sein desquels il s'investit pleinement). 

Affiche italienne


 

    Même privé de son initiale, dans l’affiche sans "H" de nos amis italiens, Ippocrate garde ses quatre étoiles bien méritées car, comme on peut lire, c'est un film au ton « toujours juste », considéré comme « un modèle de cinéma populaire à apprécier jusqu’au bout ! ». Et qui dit populaire, dit aussi, plus largement, citoyen :-)
     Mais ce n’est pas tout ! Comme bon nombre d’entre vous le savent, Hippocrate
est aussi une série télé du même nom, à la veine aussi naturellement pédagogique. Pas d’esprit « moralisateur » précise l'animateur Laurent Ruquier, mais certainement - et heureusement - une œuvre réaliste autant que sociale et morale, car ce dernier pilier est encore trop souvent sacrifié. En fait, Thomas Lilti montre concrètement que la souffrance dans l'indifférence, et le sentiment d'impuissance dans un cadre imposé, sont une alarme pour notre humanité civilisée. Son propos artistique reste vecteur de connaissance et d’intelligence, dans un contexte d'urgence qui nous dépasse... mais au sein duquel la bonne relation patient/soignant et une prise en charge attentive sont plus que jamais des priorités (d'autant plus en l'absence imposée des proches). Priorités et enjeux professionnels et humains auxquels ces étudiants en médecine se sont montrés sensibles…


2018 : avant-première organisée par Canal + et le site culturel SensCritique.
    Réactions et échanges en amphi avec le réalisateur, Thomas Lilti.


Le Monde : article-suggestion, avant ou après votre pause ciné-santé :

https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/03/05/hippocrate-etablit-un-tres-bon-diagnostic-des-maux-de-l-hopital_6031979_3246.html

Pour ceux qui auraient encore "raté" le film... ;-)

https://www.canalplus.com/cinema/hippocrate/h/4582329_40099?



À vos TV/DVD/VOD/Streaming...

pour (re)voir Hippocrate en mode film ou série télé

...et méditer.

 

 

#JESUISLA', d'Eric Lartigau

LE NET... À LA LIMITE DE LA FOLIE (!)

Affiche jesuisla signe eric lartigau l et5ucn

  Connaissez-vous le film Her de Spike Jonz, sorti en 2014 ? Et bien, même s'il ne s'agit certes pas du premier film dédié à la toute puissance et à l'influence des nouvelles technologies de communication sur nous autres, pauvres individus volontiers télé-dépendants, je me permets de le citer en introduction à notre lecture critique de #Jesuislà, film 2020 franco-belge d'Eric Lartigau. Non pas dans l'intention de les comparer vraiment, car on ne saurait rapprocher deux films qui, malgré leurs thématiques semblables et leur message malgré tout simple à saisir, adoptent des styles et presque des genres différents. Her avait marqué nos esprits par son élégance teintée de mystère, qui ne faisait que renforcer le drame américain de Théodore, tombé amoureux d'une voix féminine on ne peut plus capivante. C'était juste la voix spontanée, drôle et sensuelle de "Samantha" : un programme informatique ultra-moderne, capable de s'adapter à la personnalité de chaque utilisateur (chapeau à l'interprétation de  Scarlett Johannson) et de faire réellement du bien à ce dernier... dans un premier temps seulement.
   #Jesuislà prend davantage le ton et les allures d'une comédie populaire... Mais, une fois ces distinctions faites - on avait vraiment apprécié les déboires de Théodore - on prend goût au parallèle, toujours instructif. À titre d'exemples : au moment de sa rencontre et de son coup de foudre virtuel Théodore Twombly est inconsolable suite à une rupture difficile... Alors qu'au Pays basque notre Stéphane mène une vie normale et sans souci. Ses deux "grands enfants" se débrouillent bien, lui même est un chef cuisinier épanoui reprenant le restaurant de son père (chasseur invétéré...). Pour le reste, il s'agit "juste" d'un homme divorcé, qui garde cependant un rapport amical avec son ex-femme. Les différents synopsis que vous trouverez soulignent plus ou moins que, cependant, chacun d'entre nous aurait  besoin du "frisson" complémentaire capable de colorier (si ce n'est pimenter pour certains) son quotidien. Et, comme par hasard, ledit frisson est ressenti sur internet... Comme tout un chacun, ajoutons-nous, Stéphane finit par ressentir le besoin de se trouver face à sa mystérieuse coréenne de 35 ans, Soo, connue en surfant intensément (malgré son âge mûr et son travail). Le tableau de la jeune femme (qui en réalité se révèlera ne pas être le sien, à l'instar d'autres mensonges ou non-dits), trônant dans sa salle de restaurant, ne lui suffit plus.
    Bref, sur un coup de tête, Stéphane décide de partir à Séoul et de faire des pieds et des mains pour la retrouver, ou plutôt pour l'attendre jour et nuit. Culture & Santé ne souhaite pas vous gâcher la surprise : bien que l'intrigue en elle-même soit quasi-absente, discrète derrière le rendu d'une ambiance et de toutes les sensations que l'on peut ressentir à distance, face à un inconnu longtemps rêvé, c'est une comédie (dramatique) que l'on savoure. Sans jamais avoir l'impression de perdre son temps ou de paraisser bêtement sur son fauteuil. C'est une attente que l'on vit avec le protagoniste. Dans un décor que l'on ne connaît pas forcément et qui en dit long, lui aussi. L'empathie surgit assez facilement (même si se reconnaître dans une aventure aussi épique paraît assez improbable). Et, quand le climax émotionnel atteint les limites de la folie, entre un web-partage et l'autre, en passant par un pouce ou un "like", on est d'autant plus attentif aux réactions de tous les personnages.
    Comment garder son calme ? Et encore, d'autres questions peuvent surgir, sous forme de "si" : et si on parvenait une bonne fois pour toutes à s'imposer de ne pas tomber dans le tourbillon du faux lien social, si facile et puissant à tout niveau ? La mystérieuse et courroucée Soo se déclare agacée par cette fulgurante popularité coréenne du "french lover" Stéphane et de sa dulcinée (d'elle-même). Mais ne devait-elle pas s'y attendre ?! Les choses se seraient-elles passées autrement, par delà ses déclarations, si les réseaux sociaux (et leur usage compulsif) n'avaient pas transformé et "aplati" leur histoire ? Les différents regards des proches de Stéphane - dont celui de ses enfants représentant une jeune génération parfois plus sage... - se complètent et évoluent, avant et après que Stéphane ait pu contempler - et photographier ! - les cerisiers en fleur.
   Parallèlement, et au delà de l'état d'esprit final - et de l'état final tout court - du protagoniste, auquel il sait nous intéresser jusqu'au bout, le metteur en scène parvient à faire entrevoir d'autres issues. Sans doute pour mieux nous signifier que le web - toile précieuse en elle-même y compris sur le plan culturel - ne peut se perdre dans ces méandres destructeurs mélangeant privé, public, mensonge, doute. Stéphane ose enfin se demander si Soo existe vraiment, si elle n'est pas plutôt "une arnaque". Bref, si elle n'incarne pas, justement, un usage plus que délétère reposant sur l'illusion... Cette illusion qui berce et fait vivre, parfois à nos risques et périls...
     Notre dernier mot : aucun doute que ce film participe, de manière distrayante et efficace, à notre bonne santé mentale. Un film qui a donc toute sa place dans Culture & Santé :)

     Amici italiani, cercate pure di vedere questo film con un bravo Alain Chabat, dalla storia chiara e dal messaggio efficace... Occhio agli effetti delle condivisioni internet ad oltranza, alle storie a distanza, anche quando si è soddisfatti della propria vita e ci si sente equilibrati. (Italia sì, Italia no), i social sì, i social no... Dipende. Di certo l'uso che se ne fa in questo film non è dei più nobili, né dei meno pericolosi ! E non dimenticate la nostra pagina "Contatto" per dirci la vostra (sul film o anche su un suo argomento).

     
     
Pour aller plus loin - Per saperne di più :

      - 
Alain Chabat et Eric Lartigau dans les studios de RTL - le danger de l'imaginaire dans l'usage des réseaux sociaux et pas seulement... : RTL #Jesuislà (etc...)

        - Réseaux sociaux : quels dangers ? quelles réponses ? - Faisons le point avec... cet article Le Point


      

 

 

CITOYENS DU MONDE - Gianni Di Gregorio

 


PARTIR OU RESTER...
POUR DE BONNES RAISONS

 

Citoyens du monde


Notre cruciale année 2020 est aussi celle de ce film, actuellement reproposé par quelques cinémas français : une comédie sociale et élégante dans sa simplicité, mettant l'accent sur l'une de ces "difficultés" collectives, de longue date, que le virus semble vouloir balayer, emporter, tel une tornade, coupant court directement avec nos vies, par delà nos âges. Car, que l'on se batte au plus haut point pour éviter la maladie et ses conséquences ou que l'on se soucie de savourer ses "derniers temps" dignement, à hauteur de ce que l'on a su ou pu offrir à autrui et à son existence, les deux options sont honorables (et se rejoignent volontiers).

Hélas, on ne le sait que trop bien : la pension de retraite moyenne ne suffit pas. Les dépenses courantes ont raison d'elle, et aujourd'hui nos aînés se rapprochent plutôt de la notion de survie que de la vie tant souhaitée. Nos trois amis, les protagonistes Attilio, Giorgetto et le Professeur hésitent, puis décident ensemble de tenter l'aventure (après nécessaire consultation auprès d'un drôle de sage) dans le meilleur pays qui puisse les accueillir... car attention, une fois arrivés ils seront toujours des étrangers. Partout (ovunque !), il va falloir s'y préparer et s'y adapter, dans leur condition et par delà le contexte plus ou moins conflictuel de la destination en question. De plus, nos trois "maturi ragazzi" devront élargir leur panel de destinations possibles pour éviter à tout prix de devoir se marier à una donna del posto.

Avec "Citoyens du monde", le réalisateur de "Gianni et les femmes" (2011) garde toute son originalité et sa subtile ironie. On sourit du début jusqu'à la fin, en ne perdant jamais de vue le drame à l'origine de cette aventure qui -comme toute aventure et plus que beaucoup d'autres - est d'abord une prise de risque. Pour ces trois amis aux différents parcours de vie, à la condition économique de départ s'ajoute le drame de la solitude et de ses silences, qui finissent par peser même lorsqu'on pense ne pas les ressentir du tout. Nous pensons que ce film en particulier mérite amplement d'être annoncé, présenté, conseillé, mais pas trop décrit... Pour ses petits et grands éléments qui créent la surprise. Que pourrait-il encore se passer de positif in Italia e nei posti delle nostre care, piccole abitudini si l'on décidait de ne plus partir ? Et pourquoi rester dans la ville éternelle serait-il finalement aussi (sinon plus) raisonnable que tout quitter ? Quelle est la vraie définition de l'adjectif (avec suffixe adapté) « poveracci »... ? Qui se pose cette question clé dans le film ? Est-ce un hasard ? Peut-on facilement deviner la conclusion ?

« Le trio formé par Giorgio Colangeli, Gianni Di Gregorio, Ennio Fantastichini [le regretté Ennio Fantastichini] nous fait penser à celui formé par Vittorio Gassman, Nino Manfredi et Stefano Satta Flores dans le long métrage d’Ettore Scola "Nous nous sommes tant aimés" ["C'eravamo tanto amati"], d'il y a quarante-six ans », peut-on lire sur "Sens Critique.com". Nous n'aurions pas osé le rapprochement avec ce grand classique du cinéma italien, mais le rythme posé (constant chez Di Gregorio et excellent pour votre V.O. italien !), la force de l'amitié (et d'une solide complicité), la qualité des dialogues, l'importance du sujet, ainsi que cette subtile légèreté de ton, sont des composantes bien présentes et appréciables dans notre film aussi... Des caractéristiques qui, de plus, ne peuvent que servir à merveille le - et même "les" - message(s) du film.

Insomma, abbiamo voglia di seguire ancora "Mister Di Gregorio", regista, cosceneggiatore e attore coprotagonista di "Lontano lontano" (titolo originale). Tutti i suoi racconti cinematografici, infatti, sono film che stimolano la riflessione su temi sociali, con garbo, dolcezza ed intelligenza (commedie peraltro sempre accompagnate da simpatiche, fantasiose locandine). Quindi, non ci resta che aspettare già il suo prossimo film.
Nell'attesa, un consiglio da "Cultura & Salute",
si vous permettez : cercate di sentirvi sempre "cittadini del mondo" amici, anche senza bisogno di andare "lontano lontano"... è davvero possibile, garantito :)
Per esempio, guardando il trailer in questione,
pour commencer...

 

 


 

 

 

JOSEP - Aurel



 

ART, CULTURE ET POÉSIE FACE À LA CRUAUTÉ...

 

 

Josep affiche

 

Notre avis sur "Josep" - ou plutôt notre éloge sans réserves - pourrait se résumer à un mot : "chapeau". Autrement dit, 20/20 ou, à l'italienne, dieci e lode au dessinateur Aurel, qui en est à son premier long-métrage... Même note, naturellement, à toute l'équipe de ce film d'animation coproduit par le "trio gagnant" France/Espagne/Belgique, et scénarisé par Jean-Louis Milesi. Pour la série "excellent film d'animation", on se souvient du courage de "Persepolis", de la Belle Époque de "Dilili à Paris", ou de "Les Hirodelles de Kaboul" (liens assortis). De même, les connaisseurs - et beaucoup d'autres - aimeront se souvenir de toutes les composantes - et du message (osons réemployer le mot) - de ce film d'animation, en tout point soigné sans être artificiel ; une œuvre qui n'a rien à envier au film historique classique (par delà le biopic), puisque son dessin se marie parfaitement aux événements et à leur pathos... Raison pour laquelle "Culture & Santé" a souhaité intégrer pleinement la catégorie "animation" (sans création de rubrique particulière) à l'ensemble des films retenus.

Mais on oublie d'indiquer le sujet du film aux "distraits" qui, dans l'abondance de titres proposés ou reproposés (par temps de Covid, on ne peut que s'en réjouir), n'auraient pas vu passer cette petite merveille : une œuvre pour adultes, jeunes adultes et pour tous ceux qui auraient hâte de le devenir sérieusement. « Février 1939. Submergé par le flot de Républicains fuyant la dictature franquiste [et l'allié fasciste...], le gouvernement français les parque dans les camps ». Et là, on peut déjà marquer un temps face aux termes "submerger" (vérité ? prétexte à tout ?), et "camps"... Car dans ce pays-refuge, dans cette France qui a su pourtant accueillir, il s'agit bien de camps de concentration du Sud de l'Héxagone, lieux de souffrances indicibles (et dont il sera encore question, hélas, quelques années après, dans d'autres circonstances et dans le même esprit...). Séparés par les barbelés, deux hommes que tout semble opposer vont se lier d'amitié. L'un est gendarme (français, chargé de faire régner "ordre et discipline" dans cet univers infernal), l'autre est dessinateur. Comme notre metteur en scène. Ainsi, de Barcelone à New York, nous suivons l'histoire, forte et vraie, de Josep Bartolí, combattant antifranquiste et remarquable artiste.

Pour "Nice-Matin", Cédric Coppola indique entre autres : « Josep, qui a reçu le label Cannes 2020, dresse, à travers la relation de l'amant de Frida Kahlo et du gendarme, un panorama complet de la guerre d'Espagne ». Par delà le repère contextuel, il nous semble que la clé du film réside dans la réflexion profonde du gendarme, témoin de l'horreur et appelé à en être l'auteur. Il faut dire que cet homme en uniforme n'est pas "exactement" comme ses pairs... Mais il réalise dans une profonde tristesse qu'il est (jusqu'à quel point ?) contraint de leur ressembler en tout point. Pour obéir aux ordres. Pour suivre la Loi (mais quelle loi ?) et se protéger du pouvoir. Au prix de toute morale nécessaire, contre ce qu'il serait juste de faire et, d'abord, de ne pas laisser faire. On connaît "l'impossible" alternative : légalité imposée, ici clairement infondée, versus légitimité et humanité. Une opposition dont les enjeux - pour employer un terme bien exploité - ne sont sans doute pas encore tout à fait pris en compte. Dans notre planète en crise dans sa course au profit, les droits de l'homme et ce que nombre d'hommes subissent encore ne sont pas une priorité... Dans ces conditions, le Mal historique s'avère bien plus écrasant que le Mal existentiel, s'il parvient à prendre les rênes du pouvoir. Le risque est alors celui d'obéir et de se soumettre à l'impensable. De perdre sa liberté et surtout son cœur. De se trahir soi-même et trahir cet autre dont la différence est une richesse, dont la ressemblance rapproche, et dont l'égalité demeure a priori, dans la nature humaine et ses droits fondamentaux.

"Josep" est un cri, une alarme et une métaphore contre tout totalitarisme, contre toute alliance au service de ce dernier, et contre la haine et ses conséquences à toute échelle. Mépris, discriminations, violences inouïes visent ces "Républicains" représentant une autre Espagne. Celle qui a osé lever la tête contre la dictature de Franco et pour la démocratie. Mais ce sont aussi les espagnols en tant que tels qu'on apostrophe avec dédain. Car ce qui vient du Sud "importe peu". Sauf qu'il y aura toujours... plus au Nord que nous. Et qu'un certain brassage se fait malgré tout, au-dessus des préjugés ou des fausses hiérarchies.
Autre grande "raison" de mépris, dirigé contre le protagoniste : une sensibilité et une âme artistiques, rares et capables de représenter et d'embellir. De rendre agréables et même hors du temps quelques misérables objets symboles de survie, qu'on prend le temps de décorer dans un cadre sans pitié...

Contenus, narration, finesse et originalité du procédé graphique (avec "effet tremblotant" sur une couleur quasi-hachurée, selon notre vocabulaire profane et notre regard charmé) font d'une admirable « œuvre stylisée » ("Nice-Matin"), un film d'animation de premier ordre. Un film tout court donc, qui restitue aux personnages et à leur histoire (qui est aussi la nôtre) leur tragique, tremblante et courageuse épaisseur. Ansi, par delà toute stylisation, nous sommes en présence d'un vrai style, à la fois proche du réel et capable de lui offrir, malgré l'horreur du décor, toute la pureté des teintes poétiques. Enfin, la notion de transmission de cet intense récit de vie à un petit-fils aux allures très contemporaines, se révélant plus sensible que prévu, est bien pensée et bienvenue pour soutenir une réflexion toujours actuelle.

Amiche ed amici, come avrete capito, "Josep" è un film d'animazione impegnato e pieno di poesia. Curatissima per forma e contenuto, quest'opera speciale esamina un aspetto cruciale legato alla guerra di Spagna, ma non solo : il primo film del regista e disegnatore Aurel ci fa riflettere su arte e dittatura, ma soprattutto sulle "responsabilità" (mancanze o peggio) di Stato e Stati... nonché sui rapporti tra morale, dovere e libertà. In mezzo a tanta crudeltà concreta ed istituzionalizzata, come sempre sensibilità, coraggio e coscienza collettiva sono le uniche vie d'uscita...

 

                                                      Le gendarme film josep                   Josep serge et frida

 

 

"Culture & Santé" a apprécié :

 

 

 

 


 

MON COUSIN - Jan Kounen

 

DEUX UNIVERS (DEUX FOLIES ?) QUI SE RENCONTRENT

 

Mon cousin


 

La présence dans ce film d'une valeur sûre comme Vincent Lindon est un gage de qualité, au vu de l'ensemble du parcours artistique de cet interprète de premier ordre, qui sait choisir. C'est aussi la raison pour laquelle nous n'avons pas hésité, malgré l'avis négatif d'un hebdomadaire connu et reconnu, Télérama, à "vérifier directement" en salle obscure. D'autant plus que le sujet de départ, centré sur un difficile rapprochement entre un grand entrepreneur et son cousin, de toute autre allure et nature, nous a paru d'emblée plus qu'intéressant.

Il nous semble en effet (en voulant commencer par le "moins bon"), que certains bémols viennent principalement de quelques longueurs ponctuelles. Quant à la qualité des dialogues, elle pouvait peut-être faire l'objet de plus de soin, en laissant davantage de place, avant dénouement, à quelques échanges plus médités.

Même si les dernières scènes, au parfum de fable des temps modernes, sont au fond, peut-être, moins vraisemblables que ce qui précède (et qui était déjà bien épique), "Mon cousin" a néanmoins plus d'un mérite.
Car il permet d'apprécier un ton à la fois réaliste et pittoresque, de retrouver l'excellent jeu de Vincent Lindon (qui connaît bien les postures du PDG moyen), de découvrir les décors fous du personnage, représentatifs d'un milieu frénétique et excentrique (cf Ben, avec son "Je de mains"), et surtout... de comprendre assez aisément la réflexion principale du film. Grâce à des moments inattendus de vérité, perçue et révélée uniquement par Adrien, cousin en difficulté mentale (joué par le comédien belge François Damiens), et même grâce à une réussite-surprise (mais qu'en serait-il exactement sans cette dernière ?), le tragique (et le tragi-comique) dû à la différence entre profils opposés et renforcé par des priorités absolues de contrat, se dissout progressivement. Pour que nos deux protagonistes se retrouvent enfin en toute harmonie et sincérité, par delà les liens du sang. Quant au personnage féminin du trio (l'assistante personnelle du PDG Pierre) il parvient également à trouver sa place et un nouvel équilibre, donnant également à réfléchir. 

Parallèlement, c'est toute la problématique du handicap mental sévère - chez des personnes pouvant se révéler très intelligentes ou capables (formes d'autisme) - qui est soulignée via la confrontation à un monde - baignant volontiers dans la concurrence et l'efficacité - incapable d'intégrer la différence, malgré quelques efforts élémentaires. Car parfois il s'agit de mieux comprendre ces esprits contemplatifs qui ont besoin de prendre leur temps. Et qui s'appliquent à considérer, avec respect, le bien-être de toutes les plantes ou le vol imperturbable des oiseaux, seuls maîtres du ciel... Comme on le voit dans une scène clé, ces personnes avec handicap peuvent avoir bien raison dans leurs colères, certes formellement excessives, mais ô combien justifiées parfois. Il arrive donc que certaines vérités correspondent, comme le disait un célèbre poète et pilote cher aux enfants et aux grandes personnes, à cet "essentiel" invisible pour les yeux. Vérités que l'on ne voit bien qu'avec le cœur... et que l'on distingue sans doute mieux encore grâce à une juste dose de folie...

Les enseignements tirés de cette aventure familiale et professionnelle permettent donc de prendre du recul et de considérer, sous un jour un peu différent, avec une disponibilité et une bienveillance renouvelées, ces personnes fragiles nécessitant toute notre attention. Bref, "Mon cousin" récupère des points car pour Jan Kounen il s'agit de rappeller avec simplicité, entre tension et camaraderie, la nécessité de ralentir, pour ne pas laisser derrière nous valeurs essentielles et personnes intuitives et au grand cœur.

Due cugini si ritrovano : il capo di una grande azienda (interpretato dal celeberrimo Vincent Lindon) ed un uomo con handicap mentale (perché quest'ultimo è immensamente pregato di firmare un contratto importante...). Due mondi completamente diversi si scontrano tra incertezze, nervosismi, crisi isteriche e qualche piccola grande ipocrisia. Grazie alla scoperta di salvifiche verità e ad altre sorprese, alla fine i due si capiscono e si abbracciano con sincerità. Un film forse non proprio tecnicamente riuscito, ma capace di offrire un messaggio semplice ed efficace, che - tramite uno sguardo femminile - vede nei ritmi lavorativi del P.D.G Pierre altrettanta follia... A contatto del cugino, il "grande capo" riscopre finalmente il senso di menzogna e verità, sa apprezzare la purezza di Adrien e, insieme, finiscono per intraprendere insieme un nuovo percorso, con un altro sguardo sulla vita.

 

 

Adrien et l arbre

 

 

LE RETOUR DE MARY POPPINS - R. Marshall / MARY POPPINS - R. Stevenson (W. Disney)

 


VOIR AU FOND DES CHOSES...



Mary poppins x 2
 


Comme pour anticiper la satisfaction procurée par la nouvelle de nos premières vaccinations (si vous nous permettez l'audacieux et souriant parallèle), la chaîne télé M6 a eu la bonne idée de programmer, en ce triste Noël 2020, le retour de Mary Poppins. À l'heure des "cinémas-toujours-fermés" (et de la sensibilisation de tous à l'importance cruciale des structures culturelles !) nous étions sans doute suffisamment nombreux, grands enfants compris, à apprécier ce film grand écran - et grand tout court - sur nos petits et plus grands écrans.

Comment avez-vous dit ? Ce n'était pas mal du tout mais la version originale reste unique et indimenticabile, ou inoubliable ?! L'avis "Culture & Santé" est très clair, et d'autant plus sincère qu'après la sortie de ce "Mary Poppins number 2", le bouche à oreilles et les critiques cinéma lues en cette période n'étaient pas des plus favorables. Ajoutez que pour nous aussi l'interprétation originale, datée 1964, de Julie Andrews et de Dick Van Dyke reste absolument magistrale, dans un film chef d'œuvre da tutti i punti di vista (adapté du roman éponyme de Pamela L. Travers, très courtisée pour acquisition des droits par Walt Disney, ce qui, en soi, a donné lieu à un film à part...). Comme vous peut-être, malgré notre grande curiosité initiale, nous n'avons donc jamais eu très envie d'honorer ce grand retour cinéma. Autrement dit, nous avions été si tendrement et intelligemment marqués (séance ultérieure comprise après "quelques" années), qu'une déception ou désenchantement nous paraissait inévitable.

Or, mis à part la brillante idée du retour de l'acteur principal, qui incarnait Bert et que l'on retrouve ici (encore...!) dans la peau de l'ancien banquier (deux rôles dans la version historique, veuillez lire cet article qui concerne les surprenantes modalités de sa nouvelle participation... + bande-annonce), au bout d'une demie-heure de film on a déjà la quasi certitude que le scénario, de veine plus policière, dont le protagoniste est Mr Banks junior, soit Michael (et sa famille), est solide et que le rythme est bon. Et, surtout, que le et les messages si brilllamment transmis seront de même importance et de même nature.

"Au fond", comme cela est porté généreusement en avant par l'une des plus belles chansons du film (en réalité, toute la partie chantée est conçue avec le même soin pour assurer au film toute la force qu'il mérite) « tout ce qui s'envole, au fond se pose, et on pourra voir au fond des choses ». Le fond des choses, au cœur du refrain, rappelle cette idée d'essentiel, sur laquelle "Culture & Santé" s'est déjà arrêtée avec le Petit Prince, mais aussi l'idée de profondeur. Car quand on suit l'histoire avec attention, on voit bien qu'il s'agit de s'opposer aux dangers de la superficialité, de l'avidité et de l'indifférence. Et l'on comprend que cette profondeur est loin d'être celle des personnes obsédées par la précision, fermes et rigides, conformes au profil traditionnel (cf film de départ : « une nurse anglaise doit être un général » selon Mr Banks... dommage que le peleton de noires et impatientes nurses ou nannys sera vite dispersé par un vent enchanté). 

Cette profondeur se colore d'acceptions politiques, économiques et sociales (comme vous voudrez), puisqu'elle naît de la conscience que l'on peut - et même que l'on doit - aller "au fond" de ses passions et vivre pleinement la poésie de ce qui nous entoure (après lecture de cette page, vous ferez peut-être un tour dans nos Carnets poésie ?).
Cette poésie prend les teintes et la légèreté des cerfs volants : c'est bien grâce à un cerf-volant, et à quelque petite magie supplémentaire (jointe tout de même à la capacité à épargner !), que l'heureux dénouement est possible. Cette vision du monde s'oppose une nouvelle fois à certaines "logiques" financières bien sombres où, par exemple, la notion d'endettement est soumise aux sinistres intérêts personnels de ceux qui font foction de "conseillers". Plans d'attaque que même un enfant (le fils Banks) comprend, et que leur père Michael, confiant en sa banque, tarde à saisir. Mais, surprise des surprises, tous à la banque n'ont pas la même philosophie... et c'est ainsi qu'à la magie de Mary Poppins s'ajoutent les "miracles" opérés par de simples mortels, aussi indignés face aux injustices que prêts à contre-attaquer efficacement.

Pourquoi tout perdre enfin quand, avec courage, vertu et hônnéteté, on peut se laisser entraîner - comme dans cette scène clé - par ces ballons colorés pour voler et, comme précisé par la charmante vendeuse de ballons, pour oublier ses soucis et rêver un peu. Hélas, on fait aussitôt remarquer à Mary Poppins que dès le lendemain les adultes redescendus sur terre seront pris dans le tourbillon de leurs occupations...

Permettez-nous de faire encore référence aux scènes les plus joyeuses du film. Selon nous, la séquence des serveurs-pingouins courtois et amoureux, offrant leur repas de luxe dans le restaurant du paysage dessiné à la craie par Bert, n'a pu être égalée (ainsi que tout ce qui s'y rapporte, comme le passage offert par les deux tortues...). Mais, naturellement, nous avons apprécié l'idée des numéros de music hall, qui restituaient moins la couleur au sens propre, que l'ambiance festive de ces scènes de tableau, scandées également au rythme de "Supercalifragilisticexpialidocious" (un po' più difficile da pronunciare rispetto a "Supercalifragilistichespiralidoso").

 

Lin manuel miranda mary poppins


Et, à propos de chansons, quelle belle idée que ce clin d'œil à la célèbre "Chem Cheminée", où le héros ramoneur et ses compagnons d'aventure font place à Jack, cet attachant personnage d'allumeur de réverbères (cela vous dit quelque chose ?), incarné par le talentueux Lin-Manuel Miranda, pour un morceau et une danse collective tout aussi music hall, centrée sur le thème de la lumière et toute sa symbolique... 

Un numéro et des paroles qu'il fait toujours bon d'entendre aujourd'hui : « la lumière est au bout du tunnel », si l'on sait croire (aussi) en cette adorable « luminomagie fantastique », selon laquelle « s'il y a une lueur dans votre cœur vous serez sauvés ».

La prima volta che abbiamo visto Mary Poppins in versione originale è stato in lingua italiana. Per noi, è proprio il film del cuore che segna l'infanzia e non solo (un po' come Pippi Calzelunghe per una certa Luciana Litizzetto, stando al suo "coming out" in questo senso!). Tutte le canzoni, nella loro versione italiana (e originale... ci è capitato di sentirle "di prima mano") sono una meraviglia. Molto tempo dopo, abbiamo riapprezzato in lingua francese questo classico assoluto, in particolare nel 2014, in occasione dei cinquant'anni anni di Mary Poppins. 

Bisogna aggiungere che quest'opera ci ha trasmesso anche una certa idea del Regno Unito, o almeno di una Londra autoironica e disponibile all'apertura. Attenta al guadagno ma anche educata e gentile, ove la poesia non manca. Insomma, ci sembra di essere abbastanza lontani dalla Londra della Brexit, e da un paese tristemente sconvolto da una cruciale e sofferta decisione-divisione. La stessa sensazione si ha, forse in modo più acuto, seguendo oggi, i francese o in italiano, questo gran ritorno di Mary Poppins.  Che ne dite amici ?

Ad ogni modo, riferendoci di nuovo alla nostra situazione mondiale (al di là dell'unione europea, pur fondamentale), ecco cosa ci canterebbe forse oggi la nostra eroina  : « Basta un poco di vaccino ed il Covid va via... tutto guarirà di più !! »

Se ci permettiamo di sorriderne un po', è anche perché nell'ora in cui scriviamo è il momento dell'arrivo di qualche attesissimo vaccino, che dinnanzi ad un virus così può tutto in confronto a queste piccole "dosi vaccinali" di benessere fiabesco (e culturale, se la qualità c'è). Ma è anche vero che, con o senza particolari minacce, se le suddette pillole di sogno e saggezza non esistessero, di sicuro il mondo sarebbe peggiore...

In ultima sintesi, in realtà non è stato possibile ritrovare proprio tutta la magia della "prima Mary" poiché, pur sapendo riproporre lo stesso suo piglio un po' altero, l'elegantissima Emily Blunt, a nostro avviso, non ha restituito il dolce sorriso di Julie Andrews. "Au passage", ci si può chiedere se questo dato è inconsapevolmente dovuto all'evoluzione comportamentale dei bambini di oggi, sempre più disinvolti e difficilmente "controllabili". Ad ogni modo, nel film, i nuovi bambini mantengono sufficentemente garbo e riserbo per poter essere seguiti da una tata ad hoc e dai poteri avvedutamente straordinari. A proposito, dopo esserci soffermati sulla visione borghese e britannica della nounou, torniamo a quella della Mary originale, per ricordare letterina e desideri in materia, da parte del bel tandem Jane-Michael. Neanche si trattasse di Babbo Natale ! Ma come dar loro torto ? Si passa molto tempo con la propria "seconda mamma" !

La parfaite "baby sitter" recherchée (pour moderniser un peu sujet et propos !) se doit donc d'être « spirituelle » et, en revanche, de « ne pas être trop grognon ni donner trop d'huile de foie de morue »... ni même « sentir la friture ». On comprend. Michael et Jane promettent encore : « Si nous n'avons pas de brimades, nous ne ferons plus jamais le diable ». En particulier, il faut qu'elle puisse « offrir des chansons », par delà les bonbons... La lettre est déchirée mais ses morceaux s'envolent à travers la cheminée, pour atterrir sur un nuage joliment habité... Surprises, magies et autres conseils avisés de nos Mary Poppins 1 et 2 sont la plus douce et efficace réponse à ces claires et timides requêtes, qui sont (ou étaient...) celles de moult garçons et filles... Les spectateurs sont comblés, eux aussi : pari artistique réussi lorsque pareils "petits bonheurs" du septième art s'invitent chez nous à la puissance 2 (pour un panorama complet, M6 a fait suivre le film en version originale).

Avant de vous laisser, chers amis, sur ces images (dont GIF ou visuel animé) du premier Poppins, nous vous indiquons cette lecture très intéressante, globalement plus technique, de "Le retour de Mary Poppins". "Culture & Santé" a choisi, pour cette critique croisée, de s'abstenir de lectures préalables :)

 

Mary poppins avec enfants boule dans chambre


Mary : la più bella e la più brava !!


Poppins portrait (rit)


 

EN GUERRE - Stéphane Brizé



DESTIN(S) BRIZÉ(S)...

 

En guerre s brize affiche

 


On est loin, ici de la douceur - pourtant non naïve mais bien éducative - d'un film comme "Mary Poppins" (lecture précédente). Mais quelle comparaison impossible entre genres très distincts ! C'est évident, mais laissez-nous continuer... Certes, les meilleures fables, à mi-chemin entre réalité et un merveilleux qui parfois se fait attendre mais qui au fond surgit toujours à point, ont entre autres pour vocation de préparer, sans trop brusquer, à la vie adulte. Pour se prémunir face à ses "surprises et aventures" ou vicissitudes, à ses "coups de théâtre" mais aussi et surtout face aux blessures - petites, grandes, voire immenses, s'il s'agit de drames ou de traumatismes - qui caractérisent jusqu'à "la substantifique mœlle" l'existence de moult grandes personnes ... Surtout (seulement ?) quand "le destin" ne vous positionne pas du "bon" côté. Mais essayer d'expliquer à (son) enfant, même grossièrement, jusqu'où peuvent aller conflits et injustices en milieu professionnels, tout en souhaitant de toutes ses forces que cela ne soit jamais son affaire un jour, même avec une histoire du soir, est une mission impossible. Et puis aujourd'hui, beaucoup d'adolescents et pré-ado sont "habitués" aux violences et à l'agressivité d'une autre façon, face à leurs écrans et à leur interaction en 3D. Laissons-les "profiter" du temps présent, et se bercer d'illusions inconscientes, bien "pratiques" en ce monde déjà difficile : ils n'auront qu'à adopter avec énergie la même attitude de grand winner ou leader plus tard, au travail, justement ! Pas sûr que cela marchera : le virtuel est bien le virtuel, et les déceptions n'en seront que plus grandes. Il ne reste qu'à tenter de faire passer le bon (le vrai) "message-réalité" par un film partagé comme celui que l'on aimerait examiner ici, où le protagoniste, Vincent Lindon a le même talent de toujours, et où il n'est pas difficile de comprendre les mécaniques de nombre de luttes au travail, ainsi que leurs aboutissements (exceptions à part, toujours...). 

Le film en question est donc "En guerre" de Stéphane Brizé, réalisateur du tout aussi réussi "La Loi du marché". Un drame social de nature sociologique autant que politique. Les dominés, ce sont les ouvriers, et - pour le dire en peu de mots - leur tentative de faire corps contre ce qui les opprime au quotidien leur vaudra, en quelque sorte, le nouveau statut d'écrasés. "Culture & Santé" se souvient d'un cours de philosophie sociale qui, avançant avec simplicité et décision la notion-binôme "dominés/dominants", pouvant d'ailleurs indiquer en écho la tension entre "exploités" et "exploitants", avait donné les clefs pour comprendre... ce que cette assistance, jeune et adulte, avait sans doute pu, déjà, percevoir ou expérimenter, de près ou de loin. Sans jamais oser se dire que oui, on peut bien hélas, caractériser ainsi bon nombre de relations, où la voie du milieu se perd "par la force du système", avec les idées de liberté et de respect, au sens le plus basique et nécessaire à notre survie.

Nous sommes ici un peu moins précis formellement (liens à part) pour mieux diriger notre attention sur les intentions qui portent le film, et qui lui donnent toute sa valeur (avec la clarté et la rigueur formelles, qui respectent la notion essentielle de spontanéïté). Quel que soit l'horizon politique en question, nous voulons croire que ce long-métrage parvienne sans peine - à tous les degrés - à interpeller beaucoup de consciences. Nous l'avions vu au cinéma au moment de sa sortie en salles, en 2018 (et au bon vieux temps...), et avons pu le revoir il y a seulement quelques jours. Notre deuxième "rencontre" avec un film immédiatement reconnu s'est faite in televisione, sur Raitre, chaîne transalpine historiquement sensible au social et à une vraie liberté (par delà la polémique qui, au moment où nous écrivons, concerne certains dirigeants particuliers, et compte tenu d'autres éléments à suivre).

Évidemment, la version italienne du film nous a plu autant que que la version originale : les bons doublages restent la tasse de thé de nos cousins d'oltralpe. Dans ce cas comme dans beaucoup d'autres (prenons l'exemple récent de la comédie dramatique "Les Grands esprits", où un Denis Podalydès en prof de lettres guindé et agrégé se retrouve muté dans un collège difficile de banlieue... ), la Rai a su repérer une œuvre française de poids, que l'on pourrait même qualifier ici de film d'apprentissage. Car "En guerre" est aussi et surtout un long métrage nourri d'histoires vraies et de tristes réalités, où le metteur en scène, soucieux de la vérité et de l'efficacité du mélange fiction/film documentaire, a pu recréer ces journaux télévisés, BFMTV ou CNews, occupés à suivre en continu, à leur manière mais non sans l'objectivité requise, le "feuilleton" Amédéo (si l'on s'en tient au "terme clin d'œil" en vigueur, suggérant les notions de durée et de distraction pour celui qui en bénéficie, parfois même face au "spectacle" d'une situation dramatique).

"En guerre" est d'abord un film sur le travail à temps plein et à plein régime, sur les droits fondamentaux, et sur ces plans sociaux qui n'ont rien de social, que l'on dit nécessaires malgré de gros ou énormes bénéfices. "Perrin Industrie" se prépare à annoncer un "licenciement boursier" dû à une localisation. Après  les premiers "cordiaux signalements", la rencontre entre dominants et dominés - qui ne sont pas exactement « sur le même bateau » comme prétendu par un cadre - et le "dialogue" tant attendu avec les partenaires sociaux (Laurent Amédéo est un représentant syndical aussi indigné que consciencieux) sont toujours promis et reportés, jamais réels et au mieux, "avec" des représentants à qui on ne peut confier ses documents et enveloppes clé pour ses démarches. Qui rachètera l'entreprise métaphore de bien d'entreprises réelles ("Télérama" indique « Goodyear, Continental, Whirlpool, Sanofi et tant d’autres ») ? Qui permettra de sauver les 1100 emplois menacés par la délocalisation ? Quand, enfin, après une série de nuits blanches (et une vie privée sacrifiée), la partie semble (presque) gagnée et que les remerciements sont à l'ordre du jour, le metteur en scène nous fait assister à LA réunion ultime. Avec toute la maestria et le style qui conviennent au documentaire et à une scène chorale, tout en huis clos et gros plans. On se situe ici exactement à mi-chemin entre le genre cinématograhique novateur qu'est le documentaire, en symbiose totale avec la réalité, et le récit-fiction classique propre aussi aux films pédagogiques. Récit qui, pour autant reste naturel (grande clarté d'exposition et scénario de Brizé-Gorce parfaitement à la hauteur) pour se soumettre aux visées documentaires et de témoignage "en prise directe" avec la réalité-vérité.

Or, même lors de la réunion ultime, où, de mémoire, la parité n'y est pas, les arguments sont volontiers de faux arguments ou de pratiques croyances globales voire HS, avancés avec conviction (et se résumant en l'idée que les ouvriers auraient une vision trop utopiste de leur avenir). Au cours de la "discussion", on comprend en outre que l'accord, concret, déjà obtenu avec un repreneur, ne pourra donc pas suffire...

Vous connaissez la suite (ou bien vous la connaîtrez peut-être en DVD ou autre...), faite d'un déchaînement de violence. Un déchaînement fou : la violence étant inévitablement et à tous les degrés, un acte de folie, toujours à déplorer, et à condamner, en mesurant ses causes et ressorts. Au spectateur de saisir ici deux violences. L'une patente et éclatante, puis celle plus ou moins latente, mais dont celui qui la subit depuis trop longtemps saisit toute la folie. Cette folie silencieuse, ou même maladroitement/cruellement verbalisée, liée à l'injustice et à l'indifférence. Et qui donc ne consent pas à de vraies réponses, même au bout d'un long combat. Une folie qui aboutit ainsi à une guerre non souhaitée, patiente et persévérante. Un combat qui, au bout du compte - éventuels résultats intermédiaires à part - ne mènera à rien, si ce n'est à vouloir en finir avec cette vie. Ce qui peut obliger à de nouvelles négociations, comme dans le cas de cette histoire vraie, ou qui peut finalement "arranger" certains (car le suicide est avant tout une affaire individuelle...). Et ce qui, quoi qu'il en soit, reste le vrai drame, auquel notre contexte s'habitue affreusement et bien tristement.

Et pourtant... l'action d'Amédéo a toujours été impeccable. Même dans l'élan de ses propos pleins d'énergie et d'espoir, il n'a jamais perdu le contrôle, lui, sur tous les plans et en toutes circonstances. Ses collègues le défendent très bien... face à celui qui, avec d'autres, l'accuse d'avoir, de fait, induit chez ses collègues un comportement excessif. Jusqu'à ce que leurs accusations se matérialisent aussi sur les murs.

Laurent Amédéo a tôt fait de sombrer dans une dépression aussi discrète qu'intense. Et pourtant on le voit un moment heureux, auprès de sa fille, à l'hôpital, en néo-grand-père prenant dans ses bras son petit-fils, un si beau bébé. On se dit que ce nouveau départ familial ne pourra que l'aider, inévitablement. 

Mais on ne sait que trop bien quels seront les derniers gestes d'Amédéo, clôturant le film... gestes "joués" (s'il pouvait en être ainsi...), ou plutôt effectués par le vrai protagoniste de notre histoire vraie, avant de quitter cette vie où les bénéfices au sens propre priment sur l'humanité, donc sur tout. Techniquement et bien au delà, de la première à la dernière minute l'on pense à une remarquable, touchante parenté avec les frères Dardenne. Humainement, "Culture & Santé" aura vu le film dans nos deux langues, avec le même plaisir artistique et la même consternation face au mal du siècle qui s'abat, tel une fatalité, contre des hommes et des femmes qui ont tout intérêt à ne pas se déchirer mutuellement, et même à trouver des points d'entente avec tous ceux qui ne demandent qu'à travailler normalement, sans s'installer dans la précarité ni dans ces objectifs de performance-obéissance liés à l'ultra-rentabilité.



*

 

Une vidéo : le message de Vincent Lindon sur le film.

Une très belle interview au metteur en scène, Stéphane Brizé.

 "En guerre" en VOD (+ "La loi du marché" etc.), avec "Arte Boutique".

In italiano, video e articolo: il parallelo indicato è con Ken Loach, si precisa che gli attori sono non professionisti (veri lavoratori), e viene ricordato che «gli operai della Perrin accettano di lavorare per un certo numero di ore senza stipendio per garantirsi un futuro che verrà invece negato, sulla base del fatto che un'azienda apre e chiude le proprie sedi quando vuole, e anche se il dividendo azionario è del 25%». Follia, violenza?!

Di nuovo in francese e se avete qualche minuto in più (si comincia davvero a parlare del film al settimo minuto), ecco la video intervista da Cannes 2018, sia al regista Stéphane Brizet, che a Vincent Lindon, che dichiara apertamente di aver totalmente sposato la causa di Laurent Amédéo e degli operai che rappresenta. Questo tipo di film necessita una vera adesione per essere interpretato come si deve, dichiara, e si vede che il pensiero di colui che, come abbiamo visto per il film "Mon cousin", non è assolutamente di umili origini, è più che convinto e sincero.

Ci-après, la vidéo Cannes 2018. On rentre dans le vif du sujet à partir de la minute 7, et à notre sens cela devient particulièrement intéressant à partir de la douzième minute, citations finales comprises. Stéphane Brizet rappelle que les ouvriers - ceux qui "perdent les pédales" compris - n'ont jamais souhaité aucune guerre (écrasés par l'absurde, ils sont contraints de se défendre). Ici la question du suicide (ou de la tentation suicidaire), chute dramatique du film, n'est pas abordée...




 

MOI, DANIEL BLAKE - Ken Loach

 

CITOYEN.NE.S
RIEN DE PLUS, ET RIEN DE MOINS

 

Moi daniel b

 


Comme vous le savez, le chef d'œuvre et Palme d'Or à Cannes 2016 "Moi... Daniel Blake" de Ken Loach a été reproposé ce mercredi 19 mai sur nos petits écrans par notre chaîne culturelle, d'histoire et d'actualité "Arte" ; chaîne sur laquelle nous nous sommes déjà arrêtés dans nos infos, y compris dans une optique vert blanc rouge. En ces temps si attendus de réouverture des salles... ces films et programmations semblent rappeler combien il reste nécessaire - au niveau du cinéma et du reste - de savoir conjuguer nouvelles "sorties" (dans tous les sens) et "simples révisions" de "nos" classiques comme de ces classiques contemporains (et sans frontières). Que l'on soit "activement assis" en mode canapé-télé, ou que l'on préfère tout aussi activement s'installer face à son écran d'ordinateur. Car Arte propose ici l'intégralité du film, sans aucune inscription ou compte préalable... indiquant même sa télé-rediffusion pour le 9 juin, à 1h50.

La chaîne franco-allemande et "sans frontières" est allée plus loin, en faisant suivre cette œuvre on ne peut plus sociale et dramatique (à l'instar de notre film précédent, "En guerre" de Stéphane Brizé, aux thématiques convergentes), d'un prolongement inédit et complet : le doc "Il était une fois". Dossier-documentaire où Ken Loach et son équipe, avec en particulier le scénariste Paul Laverty, donnent généreusement les clés pour approfondir film et situations (qui, déjà, réussissent le pari d'être clairs et limpides). Approfondir donc, au delà de quelques agréables et intéressantes confidences autour de tournage et essais. Exemple : l'équipe a voulu attribuer les rôles définitifs (personnages principaux compris) au tout dernier moment (seulement après une longue observation), et Dave Johns/Daniel Blake confie en souriant avoir d'abord candidaté via un simple SMS... ce qui ne l'a pas empêché de donner le meilleur de lui-même et d'être, comme tous les acteurs sans exception, excellent. Ni de "porter le film" dans une absolue vérité.

En touchant protagoniste avec Katie Morgan (Hayley Squires), mère de deux enfants, il tente de toutes ses forces de résister, lui aussi. En y parvenant longtemps, grâce à sa générosité et à sa créativité. Tandis que tout autour d'eux (et de leur parcours du combattant) un véritable mur se met en place rapidement. Un mur d'intransigence, de règles et d'efforts à fournir par ces hommes et ces femmes déjà hors-circuit, et pour lesquelles on prévoit de lourdes sanctions... plus que des aides. S'ils ne suivent pas les ateliers prévus et spécialement organisés pour eux le samedi à 9 heures (auxquels ils nous est aussi donné d'assister), s'ils ne sont pas capables de rédiger leur CV selon normes imposées, s'ils ne s'impliquent pas activement dans la recherche d'un travail, ce sera à leurs risques et périls.
 


Consignes daniel b

 

D'autant que cet investissement est nécessaire si l'on veut bénéficier de ses allocations pour maladie ou inaptitude. Compte tenu de ce paradoxe (d'emblée évident aux yeux de certaines victimes seulement, également appelées à y souscrire), il faudra donc, éventuellement, oser refuser tout emploi. Et se tenir prêts à se faire insulter, en silence et gentiment, par ce patron qui aura perdu du temps avant contact intéressé et intéressant. 

Et, à propos de logiques administratives, parfois, "dans la vie", vous êtes tout de même tombés sur une administration, si ce n'est un brin empathique, plutôt (et réellement) logique et efficace. Donc aussi suffisamment transparente et rapide, et allant bien à l'encontre de vos requêtes. Dans ce cas, c'est déjà "énorme", comme on dit. Vous aimerez alors vous souvenir de ce / cet employé pas comme les autres. L'aviez-vous d'ailleurs suffisamment remercié(e) ?!
D'autres fois, cela a été "presque" la même chose : pas de démarches trop lourdes dans l'ensemble... après une première phase de "lutte acharnée" (!). 
Et puis il y a les autres cas qui, comme le montre ici le réalisateur britannique, concernent les plus fragiles parmi les fragiles (aujourd'hui plus que jamais, chacun connaît ou peut plus ou moins connaître ce "statut"/se sentir concerné de près ou de loin...). Des citoyens qui risquent de ne plus se penser comme tels, sans emploi, réellement malades ou "inaptes" au travail ; depuis toujours ou, comme pour Daniel, depuis une maladie cardiaque. Sommes-nous d'ailleurs toujours et réductibles au seul travail, dans ces conditions de mise en échec ?

On voudrait bien se tromper mais, comme illustré par ce film, il reste que ces autres, du "pôle des écartés" (à cause de leurs propres fautes... ou d'un "maxi plan social" ou autre, cf. film précédent) - écartés de la valse du travail (pardon, surtout de l'emploi. Non : du "marché" de l'emploi), et/ou du rendement et du monde tout court - n'ont plus qu'à s'activer, au moins autant que les actifs ! S'activer selon quelles modalités ? Le film montre aussi qu'avec la meilleure bonne volonté, pour beaucoup ayant "dépassé l'âge" il est pratiquement impossible de s'adapter et de se plier, entre autres, aux outils et aux dynamiques technologiques. Dès lors, sur fond de rivalité ambiante et de chacun pour soi, les quelques coups de pouce des autres candidats, calmes et compréhensifs, donnent lieu à des micro-scènes aussi parlantes que touchantes. Ou même « puissantes », au sens d'efficaces, pour utiliser un adjectif que "TV Magazine" réserve à l'ensemble du film, avec le qualificatif « émouvant ». Parallèlement, on peut rappeler la rencontre avec cette employée toujours parfaitement carrée "mais" un peu plus douce, qui veut bien se déplacer pour aider Daniel devant son écran. Et qui sera aussitôt reprise pour cela...


Avec employee ordinateur


Vis-à-vis d'un appareil d'État qui semble s'abattre (qui, de fait, s'acharne ?) sur ceux qui sont dans le besoin (et qui, avec honte, finissent par voler de quoi manger !), il reste la conscience collective, et une solidarité qui n'a pas de prix mais qui - comme on le voit ici - trop souvent ne suffit pas, face à un système qui exige et qui broie. Ceux qui n'aiment pas (trop ou pas du tout) le mot "révolution", ou ne croient plus à aucun "changement" plus ou moins imminent, peuvent toujours placer en tête de leurs priorités et de leurs idéaux celui de la justice (certes, terme assez exploité aussi...), comme suprême horizon  - et plus - né de toute l'injustice constatée, volontiers à l'encontre des plus vulnérables. Parfois même là où l'on observe une certaine courtoisie et une parfaite organisation, comme souligné dans le documentaire post-film (bien sûr, à nous de repérer ces cas, plus rares, de vraie main tendue...).

Dès le départ, "Dan" ressent tout comme une mise en scène, où rien n'est fait pour l'aider réellement. Dans les dernières minutes du film, d'instinct mais pas uniquement, dans la rue le protagoniste joue sur son grain de folie pour mieux protester, en suscitant le sourire et même l'approbation des passants (qui connaissent donc bien leur contexte...) et même celle d'un pair, si proche. Seulement gare à la récidive, surtout quand l'avertissement est prononcé avec calme et gentillesse. À partir de ce moment là, nous connaissons la profonde, inévitable transformation de Dan, qui se laisse aller, refusant d'abord toute aide, mais qui s'excuse toutefois avec la petite Sharon, fille de Katie ; qui à son tour fera de son mieux pour l'aider. Malgré cette tentative d'extrême "retour à la vie", nous connaissons l'issue tragique d'un film... qui est inévitablement, déjà, un cri "au secours" et une révolte. Et peut-être aussi, quelque part, un vecteur d'espoir. Par ces mots, ces valeurs, ces convictions citoyennes que l'on peut toujours vivre et transmettre, tant que notre corps et notre cœur tiennent face aux abus et au manque de compassion...!
« Ma vie est entre leurs mains », dit Daniel à Katy, en regardant deux employés, juste avant de partir se rafraîchir... Sans parler de son ultime prise de parole, aussi "indirecte" que vraie, même et surtout par son caractère post mortem. L'affirmation de sa dignité bafouée, ainsi que de son identité, passent d'abord par ce qu'il n'est pas, puis par ce que Daniel est et a toujours été. Finalement, ses valeurs sont celles de toutes les personnes honnêtes et tournées vers les autres, traitées comme moins que rien (et jamais comme des « citoyen[s] »). Hayley Squires, lisant en larmes et avec conviction ces mots du protagoniste avant générique final, fait de sa Katie un personnage-personne tout aussi poignant et juste, du début jusqu'à la fin.

Retrouvez ces notions et tristes réalités dans l'analyse filmique pdf "Eduscol", à examiner et partager, ainsi que dans nos trois audio-extraits sur "Moi, Daniel Blake", à partir de "Il était une fois..." sur Arte. La parole est à Ken Loach et à son équipe, ainsi qu'à l'actrice brune interprétant une employée des services sociaux - Kate Rutter, cf. photo "aide ordinateur" - qui fait ici référence au métier réel et à ses règles "peu humaines" (professionnellement bien connues par son cousin). Le contexte politique britannique est également indiqué et quelques propos essentiels du film ressortent dans toute leur ampleur sociale. Des propos à l'attention de tout.e citoyen.ne qui, au delà nos différents pays, voudrait encore croire au travail - par delà la notion de marché -, à l'étude de nouvelles perspectives adaptées, et surtout au (vrai) respect de la personne, dans toute sa dignité.

 

 

Film social et réalité (Ken Loach)

 

 

Arte



« Je ne suis pas un client, ni un consommateur... »


Contexte et autres éléments


 


Ken loach palme festival cannes 2016

 

 

MICHEL-ANGE - Andrei Kontchalovski

 

UNE RENAISSANCE AUTRE :
VRAIE, MAIS...

 

Michel ange film

 


Les avis web (et autres) sont diamétralement opposés concernant "Michel-Ange", cette production italo-russe d'Andréï Kontchalovski, initialement sortie en octobre 2020. En cette fin juin et en ces temps de prudentes "re-sorties" - "veuillez gardez votre masque pendant deux heures..." - nous nous sommes faits notre idée sur le film avant de découvrir des critiques très positives ou, tout au contraire, faisant part d'une une forte déception. Pour exemple, le magazine "Première", via Thaumas Baurez, estime que « Konchalovsy parvient avec une simplicité apparente à nous faire sentir les affres de la création », contrairement à Clarisse Fabre du "Monde" qui constate de « beaux tableaux », mais note que l'ensemble du film sur la vie du peintre « souffre d'un certain académisme ».

Académisme ? La simplicité évoquée frôle parfois la grossièreté, lorsqu'elle n' y correspond pas totalement. Si on se réfère aux paysages, aux cadres et ambiances, elle peut en revanche avoir un sens positif de vérité, en réponse - et c'est bien ce que revendique pleinement le metteur en scène - à l'image par trop édulcorée que caractérisant volontiers la Renaissance (italienne, puis française également). Ces beaux tableaux le seraient donc pour leur aspect réel : pour le dire très "simplement", justement, la transpiration des aides et apprenants de Michel-Ange (Michelangelo Buonarroti) est bien là, on peut tousser et même cracher, on rit et on rit encore à souhait, surtout devant un bon verre de vin (et tant pis si cela tâche dessins et projets, on en rira davantage !). 

Il est, certes, parfaitement légitime de montrer une certaine trivialité, en tant que constante (plus ou moins marquée) de toute phase historique, y compris de la plus éblouissante sur le plan artistique, et même en s'appuyant plutôt lourdement sur la sphère "sensuelle". Parallèlement, le metteur en scène donne à voir la barbarie de la période, place de la Seigneurie par exemple, à l'endroit même où est exposé le David... Tout en soulignant dès le début du film, au gré des déambulations solitaires de Michel-Ange, que la ville de Florence n'a pas su reconnaître le talent de grands hommes comme Dante ou Poliziano. Bref, rien de bien idyllique dans ce long-métrage.

Néanmoins, un bon film est un tout, bien sûr. Et de notre point de vue, cette juste tentative du "terre-à-terre" est appréciable du point de vue de la ressemblance physique (visage tourmenté) entre le grand artiste et l'acteur principal, Alberto Testone. Mais ce matérialisme paraît trop poussée, ou en tout cas trop présent le long du film... Sans aucun arrêt sur image ni sur les œuvres en elles-mêmes ni sur des coulisses significatives, pour un vrai focus sur le travail de l'artiste... à l'exception peut-être du projet de tombeau de Jules II, dont on met en évidence toutes les prétentions démesurées. Quelques détours plus classiques auraient été plus que bienvenus (et auraient valorisé le reste), dans le respect du synopsis particulier, axé sur un Michel-Ange un peu rêveur, volontiers colérique et déchiré (en temps de transition) entre deux familles papales et familles tout court : les Della Rovere de Rome (commandes de Jules II) et les Médicis de Florence (Léon X et la façade de l'église San Lorenzo à terminer...).

Et si l'on veut bien revenir sur les colères de Michel-Ange, le film donne à voir des conflits encore plus marqués que ce que l'on pourrait imaginer entre "collègues". La rivalité est toute tracée avec Léonard De Vinci, et surtout avec Raphaël, affronté directement. Et sans motifs solides d'ailleurs...  Tout en apparaissant plus joueur que provocateur, Raphaël est présenté comme étant moins calme que ce que son profil académique nous apprend. De même, ce Michel-Ange est encore plus "fou furieux". Bref, le conflit domine, et on peut sortir de la salle un peu désœuvré (à quel degré se situe la vérité ?). Tandis que la notion de beauté, qui fait la Renaissance, y compris en tant que repère artistique, est ici totalement oubliée (et se concentre uniquement sur la pure majesté des carrières de marbre, à l'état brut).

Et puisque nous venons d'évoquer Léonard De Vinci, la remarquable fiction et coproduction télé internationale "Leonardo", très appréciée sur Raiuno, déjà signalée dans nos pages (et bientôt sur les écrans français !), n'est pas comparable, surtout au niveau de la qualité du scénario, ainsi que de la mise en scène.

Enfin, nous avons pris connaissance du fait qu'Andréï Kontchalovski, aurait appliqué avec grand succès son esthétique réaliste dans son deuxième film, "Le bonheur d'Assia" (1967), censuré par les autorités soviétiques, à cause d'une peinture trop réaliste de la misère paysanne, opposée à la vision officielle des kolkhozes. Ce film est finalement considéré comme son chef-d'œuvre, à sa sortie, vingt ans plus tard... Ici, il ne s'agit sans doute pas du même réalisme et de la même pertinence, puisque la rudesse du film participe de la dénonciation de la violence subie.

Même si, un peu de la même façon, "Michel-Ange" donne à voir une souffrance n'épargnant pas les plus grands artistes, pour les raisons indiquées ce film ne nous a pas "vraiment" convaincus. Culture & Santé l'a intégré au sommaire pour les questionnements qu'il suscite à propos d'une phase historique et de ses protagonistes qu'on ne se lasse pas de redécouvrir. Entre génie, tourments, conflits, réalité et immenses beautés...

 

UN TRIOMPHE - Emmanuel Courcol

 

THÉÂTRE ET LIBERTÉ

Un triomphe affiche


Le dernier long métrage d'Emmanuel Courcol, sorti depuis peu sur nos écrans (septembre 2021), est à juste titre proposé par notre cinéma d'art et d'essai. Un cinéma désormais intitulé à "une certaine légende du cinéma" disparue depuis peu, dont le nom vient compléter (puis sans doute remplacer) celui, bien connu, de la plus ancienne salle obscure de Nice, sa ville tant aimée... C'est donc au Mercury Belmondo (ou "Cinéma Art et Essai Jean-Paul Belmondo") que nous avons pu voir "Un triomphe" (dûment annoncé dans nos "infos flash"). Un film qui théoriquement se conclut sur un grand échec, qui est en réalité un succès, voire "un triomphe"... comme saura le faire comprendre un immense Kad Merad, ému mais aussi plein de sang froid face à un public, celui du théâtre parisien de l'Odéon, d'abord naturellement frappé et déçu, puis à son tour ému et redoublant d'applaudissements, face à une "morale" qui vaut la peine d'être entendue.

Le fait est que, derrière leur joyeuse folie, les cinq privilégiés sur cinq cent détenus ayant droit aux séances d'art dramatique cachent de la cohérence, si ce n'est une "morale"... D'abord celle des fables de La Fontaine, immortelle, indémodable, que l'un d'entre eux, le plus "intello" qui ose le premier se lancer, connaît déjà : « on a souvent besoin de plus petit que soi »...
La folie, comme les bagarres du milieu - ou affrontements inéviatables - se fait aisément reconnaître. Excès "de couleurs et hauts en couleurs", passage chez Franck Provost (tout un symbole pour ces acteurs, rétribués de façon inédite), cris, amplifications d'exercices type d'échauffement ("retour aux sources" vers un état primitif et animal), nudité même... c'est la folie de la joie que l'on observe surtout (en se doutant que la réalité doit être un peu plus rude et complexe mais... ces choix passent très bien, pour moult raisons, sans ôter le caractère vraisemblable de l'histoire... sur lequel on s'arrête à présent).

La cohérence, quant à elle, n'est peut-être pas dans l'évidence, mais elle est tout à fait visible, en filigrane, et crédible, bien sûr. Au cœur de l'action thâtrale et vécue (car la mise en parallèle entre l'univers théâtral et le quotidien carcéral ne manque pas), on ressent évidemment une sorte d'inquiétude, d'impatience. Un dénominateur commun qui renvoie concrètement à un besoin infini de liberté, d'autant plus fort que le rituel des humiliations ne manque pas de la part des surveillants, au retour de chaque sortie, y compris de chaque succès théâtral...

C'est donc la double (voire la triple...) peine, derrière les barreaux de cellules individuelles et solitaires. Une peine si profonde que - pour reprendre un point de réflexion à peine ébauché dans le film - non, il ne faudrait pas avoir peur « d'en faire des "stars" », en mutipliant les représentations si la demande se fait sentir, comme c'est le cas... Et, ce, même si ces jeunes écorchés par la vie (par eux mêmes comme par la vie...) ne connaissent pas exactement le prestige de certains théâtres, ne peuvent correctement les comparer, ni peut-être comprendre jusqu'au bout les télespectateurs et leurs réactions. Ils découvriront, apprendront... et n'en seront que plus « fiers » d'eux (voici que le mot "fierté" récupère ici tout son sens), en se souvenant de moments de joie bien mérités, que personne - par delà toute hostilité ambiante - ne pourra jamais leur soustraire. La directrice du pénitentiaire ne pourra pas rester insensible, même si tout le long du parcours les difficultés hiérarchiques sont là, lorsque les exigences didactiques de ce théâtre se heurtent aux contraintes et règlements, ainsi qu'au caractère souvent imprévisible de certains éléments, à la fois leaders et studieux...

Mais les capacités et l'envie sont là, le travail aussi, des deux côtés, quitte à devoir sacrifier sa vie privée (aspect qui est parfaitement dessiné dans le film). L'aventure humaine aura été vécue jusqu'au bout, même si formellement non, on n'est pas allés jusqu'au bout. Mais à y réfléchir... qu'importe la forme, lorsqu'il s'agit de sentir plus que tout autre être humain ce qu'est la liberté... Il s'agit bien ici de la liberté physique, oxygène pour tout un chacun, des paysages, de l'air que l'on respire, sans pressions et vexations inutiles et inacceptables, en elles-mêmes et pour ce qu'elles induisent. Mais on a affaire aussi, en bonne partie, à la liberté (et à la santé) mentale.
À la base, on retrouve tous les bénéfices de faire siens de beaux textes et un bon langage. Sans oublier la certitude que si la volonté et les résultats se voient, on est "digne d'être applaudi". Manière de signifier l'on est largement reconnu en tant qu'homme (ou femme) par delà son passé (l'emprisonnement lui-même laisse par ailleurs supposer une reconnassance, un profond regret des fautes et actes commis, quelles qu'en soient les causes. Naturellement c'est un point qui mériterait approfondissement, mais le film ne traite cet aspect, préférant suggérer à peine, mais assez clairement à travers le tempérament de ces apprentis acteurs - et dans quelques répliques précises du metteur en scène - qu'il y a déjà une certaine conscience de ce côté là... une conscience qui peut d'ailleurs plus facilement se déclencher après cette activité théâtrale.

D'un point de vue plus professionnel, on pourra bien convenir avec notre protagoniste d'une distinction entre vérité et justesse de jeu... Même si sa fille le regarde éberluée, ce qu'il essaie de lui expliquer n'est pas sans importance : on peut jouer juste, et pourtant ne pas être dans le vrai. À l'inverse, ses apprenants "d'un autre genre" ne sont peut-être pas encore assez dans le juste des intonations et intentions requis par leur texte, mais ils sont dans quelque chose de vrai, dans une véritable émotion... Cela se voit et cela s'entend : ils croient en ce qu'ils jouent, parce qu'ils en comprennent enfin le sens. Et créent même la bonne empathie avec le public, qu'ils ressentent vraiment... Tout cela aurait été impossible, bien sûr, sans un travail riche en complicité, par delà quelques fermes et opportuns recadrages d'Étienne...


Un triomphe scene


Le message du film (qui toute la force d'un documentaire) joue aussi sur le sens de l'attente. En vertu duquel théatre et vie se superposent. Les détenus passent leur temps à attendre les différents rituels de leur journée, qui ne changent pas, et à attendre peut-être un moment en particulier, bien plus qu'un autre... Le temps peut être très lent en prison, et la parole du théâtre, l'échange, la discipline dans ce qu'elle peut avoir de radicalement différent et positif, vient combler un peu ce vide, désespérément...

Comme par hasard, il s'agit d'attendre aussi dans la pièce (re)jouée... Il s'agit d'attendre Godot, qui ne vient pas, sauf hilarante exception... Et puis, comme indiqué, ce public qui attend, et notre "héros" (autant que ses jeunes) qui, petit à petit, sait trouver les mots pour eux, aussi. Avec l'espoir, peut-être, d'un ravisement, d'un grand retour de sa petite troupe... À la place, des excuses téléphoniques. Qui, non seulement, somme toute et malgré les circonstances, ne se refusent pas, mais qui sont exprimées d'une façon telle qu'Étienne comprend, et peut vraiment en sourire face à son public. Un certain grand dramaturge contemporain, indirectement mais clairement impliqué, aura également l'intelligence de comprendre (et au delà), sans attendre...

"Un triomphe", ce sont donc des surprises qui ont du sens, de bons dialogues, une belle histoire (vraie) au service de l'art et de la liberté. C'est aussi une aventure d'espoir et d'intégration, impossible sans passer par les notions de respect et de dignité. Ce sont de très bons acteurs (mise en abîme comprise), plus vrais que nature, et un Kad Merad magnifique, qui jamais ne déçoit !

Enfin, si vous voulez bien, notre choix "Culture et Vous" ;)

 

LE LOUP ET LE LION - Gilles de Maistre

 

DEUX MERVEILLEUX "FRÈRES"

À PROTÉGER...

 

Le loup et le lion

 

On tâchera d'être (un peu...) plus synthétiques cette fois, par crainte de ne pas vous ennuyer  (!!). Sachant bien, par ailleurs, que quand on a beaucoup aimé un film, on peut soit avoir envie d'en parler, et d'écrire copieusement à son sujet, soit de le résumer (de manière toujours personnelle), pour d'autres raisons tout aussi valables. Lisez donc, avant ou après - "Culture et Santé" à part (!!...) - vos critiques presse et web (vidéos comprises, cf. notre lien était celui de France Info pour nos infos flash, mais on indique aussi volontiers l'article de Paris Match, "à croquer"....), et surtout "courez" au cinéma, comme on vous l'indiquait les yeux fermés, ou bien, si vous nous lisez dans un bon bout de temps, veuillez trouvez le moyen (le meilleur pour vous, car nous sommes bien gâtés de ce côté là) de le voir et de vous laissez littéralement transporter dans "l'univers vert" et absolument magnifique du Canada. Ce sera toujours mieux que... d'être transportés dans un zoo comme l'un des deux protagonistes, le lion "Dreamer", tristement et cruellement rebaptisé Monster...

Car, de toute évidence, les "monsters", ce sont bien les hommes, face à ces irrésistibles ex "boules de poil", un louveteau et un lionceau demeurant fascinants, ayant grandi ensemble par la force des circonstances, très humaines (mais en rien humanistes). Tous deux allaités par mère louve et devenus inséparables comme deux frères jusqu'au moment, la louve enlevée, où ils sont légalement mais obscurément traqués (et séparés), puis défiés, maltraités, anéantis. Avant qu'ils ne puissent très habilement se retrouver et retrouver leur liberté... 

L'humanisme, la grâce, la beauté et la douceur se concentrent tous du côté d'Alma (l'actrice américaine Molly Kunz, très touchante), jeune femme réaliste et héroïne parfaite d'une "fable" qui tient son charme d'abord de toute la vérité qu'elle contient. Alma, orpheline face à un oncle qu'elle parvient à convaincre totalement du bien-fondé de sa cause, cantonnera sa passion et ses compétences plus qu'abouties pour la musique  (qui sauront faire leur brillant retour dans la scène finale), pour devenir presque la maman de ces deux petits êtres innocents qui ont perdu "leur mère" louve... Une maman consciente, comme elle le dira, que la situation n'est pas normale, à cause d'une certaine humanité et d'une voracité certaine (intérêts financiers). Gilles de Maistre (très bel entretien de 10 mn à suivre, même après cette  lecture !) et son épouse, auteure du scénario, pointent aussi du doigt, encore et évidemment, une odieuse arrogance, celle de "la race humaine supérieure", se plaisant, sadiquement et plus que tout à soumettre, voire humilier, "le roi des animaux". Car ici les spectateurs, non éduqués, en redemandent...). Alma est une femme courageuse : elle déclare qu'elle n'avait pas le choix, et qu'elle s'est prise au "jeu" en se donnant entièrement  (et en risquant, elle, d'être formellement condamnée...).

Ce long-métrage prend le temps de faire découvrir les différents "opposants" à ces animaux (selon vocabulaire "adjuvants/opposants"...). Le gérant du zoo et dompteur subit  enfin la rébellion de son fils (enfant et déjà excellent acteur) mais  il s'en sort en partant avec ce dernier, et en lui assurant que les choses changeront, car (de manière generale) « on trouvera une solution ». Ici on peut avoir le sentiment que le metteur en scène ait voulu "lâcher prise" en suggérant peut-être que certaines transformations éthiques ne nécessitent pas de trop grandes interventions (mais, qui sait, il peut aussi s'agir de scènes coupées...). En revanche, une métamorphose s'opère chez cet autre "grand ennemi" et grand hableur, se croyant chercheur expert et qui,  après quelques mésaventures  teintées d'esprit polar, par la force des mots et même des excuses, ne verra plus "Alma la folle" avec les mêmes yeux.

Un film de dénonciation donc, servi par une vraie intrigue, et où l'espoir règne, aussi (en conclusion, personne n'est abattu, au sens propre et figuré, en dépit de la tournure et de la tension du dénouement). Beauté, courage, rêve et poésie sont majestueusement au rendez-vous. Et l'on se surprend à revoir en son esprit ces paysages et décors si paisibles et mystérieux, cette espaces teintés d'azur et tout en tranparence, où trône un piano bleu unique, de style naïf aux décors d'animaux couleur pastel...

Un immense bravo (le nôtre aussi) à toute l'équipe (entre autres, pour le casting des meilleurs "anim-acteurs", le dressage tout en patience et douceur, les méthodes d'approche et les rythmes de tournage, totalement adaptés...). Une œuvre dense qui nous "déconfine" entièrement et sans dégâts (!), où la magie opère à trois cent pour cent, sans compter que ces remarquables coups de pouce cinéma pour une prise de conscience (et une action) définitive(s), ne sont jamais trop fréquents.
En toute logique, pendant le générique... nous avons commencé à applaudir. Toute la salle a visiblement aimé (c'etait bien écrit sur les visages, de tout âge...), mais, hélas, - et même si un cas précis ne fait pas sens ! - aucune "confirmation d'applaudissements" n'a pu être appréciée pour cette seance. "Timidité" à part, sans doute certaines personnes réservent-elles ce grand privilège seulement à quelques productions socio-politiques au sens strict (et réducteur). Ou bien faut-il croire que la cause animale au sens large, même superbement représentée et défendue, est moins profondément ressentie que ce que l'on croit (y compris parmi le public ayant choisi ce film). Mais l'on préfère oublier cette dernière hypothèse... Si le cœur vous en dit, donc - car, naturellement, plusieurs critères doivent être réunis à vore goût -, essayez gentiment mais sûrement de "donner le la" (et le clap) à votre tour, et vous nous tiendrez informés, si vous voulez...

En réalité, "Le loup et le lion" ne saurait être, lui aussi, autre chose qu'un vrai "triomphe", digne prolongement des autres grandes créations cinématographiques de Gilles de Maistre en la matière... et promesse, déjà, de futures productions du même ordre, parfaitement à la hauteur. À hauteur de cette immense nature que l'on détruit malgré sa beauté et sa généreuse, époustouflante et nécessaire utilité ; à hauteur de tous ceux qui l'habitent, l'aiment et tentent encore, désespérément, de la protéger... Un travail individuel et collectif, amoureux des grands espaces préservés et à préserver. Un travail rempli de passion et d'engagement, se mesurant à un contexte rude, prisonnier d'intérêts criminels ou mesquins, et à des réseaux bien enracinés, ne cherchant qu'à emprisonner à leur tour, pour mieux dominer...
Bref, une œuvre aussi combative qu'ensoleillée, montrant bien - aux adultes comme aux plus jeunes -, le côté obscur d'une certaine "humanité", ayant tragiquement oublié d'où elle vient et ce qu'elle est.