GRAZIE GINO

 

Strada emergency

 

Gino Strada, le chirurgien de guerre et fondateur de l'OMG Emergency [site incluant des mises à jour sur l'Afghanistan], a quitté ce monde le 13 août dernier, pendant l'un de ses rares temps de repos en Normandie... Vraiment une grande tristesse pour nous, pour ceux qui l'ont connu comme pour tous ceux qui avaient simplement l'habitude d'écouter et apprécier la parole sincère et clairvoyante d'un homme de cœur et de terrain.

Par delà des orientations idéologiques vraies, et surtout souvent d'emblée "wiki-signalées" - mais c'est une autre question -, Gino Strada reste, aujourd'hui encore, où qu'il ait pu atterrir (!), un homme très soucieux des autres, des plus fragiles et de leurs droits, dénonçant (en bon médecin "lanceur d'alerte") dynamiques ou intérêts absurdes, voire aberrants. Il était bien placé pour constater avec colère (et équilibre, dans son combat), que même de simples failles (en sus des "failles") peuvent autoriser les plus criantes injustices, voire les plus chocantes cruautés. La culture du soin immédiat, senza "se" e senza "ma", le droit à des soins pour tous, sans distinction aucune, la prévention dès que possible, étaient ses credos ; des principes à valeur universelle, partagés par toute "l'Italie qui soigne", avec rigueur et abnégation, contre culpabilités, irresponsabilités et négligeances.

En parallèle, "Gino" a toujours clairement revendiqué son appartenance - d'homme libre ! - à ces courants politiques s'efforçant d'agir à la racine, contre réalité et abus de l'occident civilisé ou face à certains décideurs, se croyant tout puissants. Le but étant, bien sûr - en tombant banalement dans une vérité souvent occultée... - de ne pas abandonner ces populations (hommes, femmes, enfants, personnes âgées) à "leur triste sort", après exploitation approfondie... Leur santé est aussi la nôtre ; notre planète, déjà écologiquement meurtrie, étant idéalement et unanimement (!) soucieuse de nos disparités. Ainsi, lorsqu'on est au pouvoir, comment proclamer que tous les hommes sont égaux lorsque l'on provoque ou l'on se dit "impuissants", voire indifférents, à des conditions de vie (d'hygiène, alimentaires...) totalement dégradantes et inhumaines ? Comment joliment recourir à ce principe d'égalité fondamentale (égalité de droits) sans s'indigner, entre autres, de ces "hôpitaux" locaux - où les urgences sont constamment de premier ordre - qui ressemblent à peine à des lieux de soins ? Dans l'urgence, et au delà, peut-on s'accomoder de refuges "improvisés" où, fatalement, l'on peut peut-être calmer un temps la douleur, sans aucun traitement ni vrai remède ?

Dans ce cadre, lorsqu'à coté des décès un peu d'espoir est possible (!), on mesure parfaitement (mais s'en souvient-on suffisamment ?) exploits et miracles opérés par les équipes d'"Emergency" comme par tous les "Médecins sans frontières", et autres indispensables "anges sur terre" (!) qui "ne font que" leur devoir (d'humanité). Et poursuivant leurs activités en pleine guerre, dans un contexte infernal... (cf. cet article, peu avant la prise de pouvoir des talibans...). Gino Strada aborde la question des hôpitaux "de centième ordre"... et de la rassurante mise en avant de l'égalité entre hommes (et femmes...), dans son entretien de 1998 avec Fabio Fazio (nouvellement invité sur nos pages), en conclusion de notre fichier ci-après. Le courageux chirurgien évoque en ce sens la réalisation dans les règles de l'art, en Ouganda, d'une structure hospitalière à la hauteur, par un architecte reconnu comme Renzo Piano, redonnant un peu de dignité (sociale et concrète, car notre dignité d'êtres humains est implicite et permanente...) aux victimes de guerre et de misère concernées, dans une très large optique bien sûr, avec pleine conscience que l'engagement institutionnel - racines du "problème" à part - n'est pas superflu... Cet extrait, appartenant désormais, comme tant d'autres actions et gestes-exemples, à notre "patrimoine humain et social" - toujours vivant malgré la tragique issue politique frappant le pays qu'il a contribué à relever - fait un peu revivre son cœur et sa pensée. On peut, éventuellement, ne pas saisir le sens entier de ses réponses en italien - bien que les extraits "C. & S." s'efforcent d'être clairs et audibles... - mais impossible de ne pas deviner toute sa volonté de résister à l'intolérable, avec intelligence et générosité.
 


Strada una vita spesa ad aiutare

 

En faisant part à la mi-août de la triste nouvelle de sa disparition, nous avions proposé (page "grand menu") ce lien italien approfondi, avec vidéos, vers "RaiNews". Côté français, cet article daté du 20 août de News 24 nous a paru clair et intéraessant sur plusieurs points, "contexte talibanais" inclus... D'autant plus qu'il fait référence au dernier article écrit par Gino Strada sur "La Stampa", au sujet de l'Afghanistan. Analyse particulièrement frappante aujourd'hui, après une prise de pouvoir des talibans inévitablement prévue, que son décès lui a néanmoins épargné, de justesse. Une autre "coïncidence", encore plus remarquable, le concernera, comme on le verra dans notre onglet "IT." correspondant.

Revenons donc sur cet article spécial écrit pour "La Stampa" par Gino Strada, intitulé "C'est ainsi que j'ai vu mourir Kaboul", pour poursuivre la traduction, à la suite de "News 24". Support qui, entre autres, a mis en évidence la nette opposition de Gino Strada à toute guerre, ainsi que son obtention du Prix ​​international Right Livelihood, décerné par une fondation suédoise, « pour sa grande humanité et sa compétence à fournir des services médicaux et chirurgicaux exceptionnels aux victimes de conflits et d’injustices, tout en s’attaquant sans crainte aux causes de la guerre » .

 

Strada ospedale



Avec objectivité et profondeur, sur "La Stampa", Gino Strada fait part de cette importante analyse (extraits) : « La guerre en Afghanistan a été - ni plus ni moins - une guerre d'agression qui a débuté ni plus ni moins au lendemain du 11 septembre, à l'initiative des États Unis, et à laquelle se sont ralliés tous les pays occidentaux ». En reformulant la suite plus simplement : il s'agissait d'une attaque américaine illéégale, compte tenu du fait que le Conseil de Sécurité, seul organisme international ayant le droit de recourir à l'usage de la force, était déjà intervenu dès le lendemain de l'attentat, avec la résolution 1368... mais il a été ignoré par les USA. Ceci "s'explique" par le fait que « la décision d'une attaque militaire avait été prise dès l'automne 2020 par l'administration Clinton ».  Selon des intentions de longue date, l'Amérique serait donc passée outre une prompte intervention légale, déjà effectuée par le Conseil de Sécurité, pour pouvoir envahir et s'installer à son tour, entraînant l'Occident à sa suite. « Officiellement, l'Afghanistan a été attaqué en tant que terre support à la guerre sainte contre les USA ». Ceci n'aurait pas empêché les USA, « pendant au moins deux ans », de « négoci[er] pour parvenir à un accord avec les talibans eux-mêmes. Il s'agissait de reconnaître formellement, et même de soutenir économiquement [cf. info financement "Afghanistan", "IT."...] le régime de Kaboul, en échange du contrôle des multinationales USA du pétrole sur les futurs oléoducs et gazoducs depuis l'Asie centrale jusqu'à la mer, c'est à dire au Pakistan ». Et, poursuit Gino Strada, « c'était avant tout le Pakistan, ainsi que nombre de pays du Golfe, qui avait donné vie, équipé et financé les talibans, à partir de 1994 ». Une certitude, pour Gino Strada, complétant - et surpassant - notre lien interne précédent, sur le financement. La suite n'est pas moins intéressante (à vos dictionnaires, si besoin !). Traduisons encore : « L'intervention de la coalition internationale s'est traduite, au cours des premiers mois de 2001 et seulement à Kabul et alentours, dans un nombre de victimes civiles supérieures aux attentats de New York ». De quoi méditer...

Toujours à vos dictionnaires pour la suite, jusqu'à... On prend le relais au niveau de la situation objective de l'Afghanistan et de ses réfugiés : « Il y a vingt ans déjà, on avait prédit que cette guerre aurait été un désastre pour tout le monde. Aujourd'hui le résultat de cette agression est sous nos yeux : une faillite de tout point de vue (...). Aujourd'hui l'Afghanistan est un pays qui précipite de nouveau dans une guerre civile. Les talibans en sortent renforcés, tandis que les troupes internationales sont encore plus faibles qu'en 2001, au niveau de leur présence et de leur aura. Par dessus tout, il s'agit d'un pays détruit, que l'on fuit quand on peut, même lorsque les peines de l'enfer pour atteindre l'Europe sont une promesse et une réalité absolues... Et dire que, ces jours-ci, les pays européens contestent la décision de la Commission européenne de faire cesser tout rapatriement de réfugiés afghans dans un pays en flammes ».

Gino Strada ajoute que face aux importantes dépenses de guerre des États Unis ou de l'Italie, « les grandes industries de l'armement nous remercient. (...) Si tout l'argent dépensé était allé à l'Afghanistan, aujourd'hui le pays serait une grande Suisse. Sans compter que, dans ce cas, les Occidentaux auraient pu peut-être garder un certain contrôle, sans devoir fuir honteusement ». Notre chirurgien "chir-humaniste", même sans guillemets, conclut en saluant la présence de tous ceux qui, sur ce territoire opprimé et ensanglanté, « s'emploient encore à protéger les droits fondamentaux » (travailleurs hospitaliers, équipe d'Emergency). « Quand j'écris au sujet de l'Afghanistan, impossible de ne pas penser tout d'abord à ces professionnels dévoués, risquant leur vie, ainsi qu'à la souffrance des afghans. Ce sont eux les véritables "héros de guerre" ».

Toutes les vidéos accompagnant cet article sont particulièrement incisives et touchantes. Un mot, si vous voulez bien, sur deux d'entre elles. Un homme de valeurs et de valeur comme Gino Strada, ne pourra qu'apprécier (du haut de son étoile...) pensée et souvenir amical d'une personne droite et sensible comme Massimo Giannini, Directeur de "La Stampa", qui a notre plus grande estime. Même pertinence et émotion en ce qui concerne la vidéo de son ami comédien, dramaturge (et plus) Moni Ovadia, faisant part ici, entre autres, du sacrifice d'un homme affaibli par son investissement permanent mais jeune en son cœur et en son esprit, grâce à ses idéaux et convictions. Rien ne l'a jamais empêché  de partir - pas même un infarctus - lorsqu'il fallait être présent pour sauver la vie des civils innocents, écrasés par leur condition et par toute l'horreur de la guerre : « Devo partire, mi aspettano » était sa première certitude.

 

Strada derniere de page





Onglet "IT." différent, en partie "FR."...