CONSTANTIN COSTA-GAVRAS

GRAND INVITÉ DU CINÉMA BELMONDO-MERCURY DE NICE

 

Costa gavras portrait


Avec un certain retard, que vous voudrez peut-être nous excuser (!), "Culture & Santé", propose à présent de revivre un événement de taille, "daté" du 15 avril dernier et toujours parfaitement actuel : la présentation avant projection, par Constantin Costa-Gavras (Konstantínos Gavrás, ou Kóstas Gavrás) lui-même... d'une partie de sa filmographie, qu'il n'est pas exagéré de définir légendaire. Une rétrospective "Gold" ou "De luxe", pourrions-nous dire, en écho à la mention caractérisant de précieux DVD. Ou, si vous préférez, un bouquet filmique exceptionnel, proposé par le plus ancien cinéma de Nice, le cinéma Mercury - naturellement présent dans nos pages "Livres & Films" -  dernièrement rebaptisé Cinéma Belmondo, en l'honneur et à la mémoire d'un certain acteur de légende...


Costa au cinema belmondo ensemble


Soulignons par ailleurs que le célèbre metteur en scène, faisant toujours l'unanimité auprès de tout bon citoyen suffisamment progressiste (!), a pu offrir, la veille, un aussi bel aperçu de ses films dans un autre cadre tout aussi bien choisi. En effet, c'est depuis le fameux amphithéâtre 84, le plus accueillant du Campus Carlone, à la Faculté de Lettres Carlone de Nice, que notre grand réalisateur grec a pu d'abord s'adresser à cette population estudiantine... Un public dont, en vérité, interrogé de notre part, il ne nous a pas semblé très enthousiaste, ne retenant aucune question étudiante pertinente, et confirmant même avoir constaté une certaine apolitisation - aussi triste que dangereuse - chez cette jeunesse, pourtant au contact avec une culture humaniste (tendant, elle aussi, à se déshumaniser...). Un constat éclair, d'autant plus amer qu'il est intervenu peu avant nos éléctions présidentielles des 10 et 24 avril...


Affiche costa a carlone


Si vous voulez bien, voici ci-après le programme reçu par la rédaction... annonçant les généreuses interventions de celui qu'on appelle volontiers familièrement, et avec sympathie, "Costa".


Mail costa gavras au belmondo de nice 1
Non sans indiquer au passage que le film collectif "À propos de Nice (la suite)" était également de mise - Costa-Gavras étant, comme on le sait, un éminent Président de Cinémathèque presque aussi niçois que parisien ! -  (affiche correspondante), voici le programme du lendemain au cinéma Belmondo.
   

Mail costa a nice 2

 

Un mot sur ce programme. Il nous semble que "Compartiment tueurs", le tout premier film de Costa, d'après le roman éponyme de Sébastien Japrisot, puisse également être vu, voire très apprécié, par les non habitués du genre policier. Car c'est un film avant tout sociologique, où nous avons particulièrement aimé suivre le duo Catherine Allégret (fille de Simone Signoret) / Jacques Perrin. Un binôme particulièrement touchant... Veuillez à ce propos "wikidécouvrir" Jacques Perrin - disparu le mois dernier... - en compagnie de Marcello Mastroianni ou de Claudia Cardinale.


Également au menu, "Clair de femme". Ce récit filmé (parfois dans un style documentaire), tiré du roman de Romain Gary publié deux ans auparavant, en 1977, permet de focaliser sur un certain jeu amoreux, protagoniste tout au long du film. Nous assistons à un type de relation à la fois proche et très distant, parfois mystérieux et frôlant presque le maniéré. Ce qui n'est pas sans rappeler les liens originaux de ces couples montrés par l'existentialiste Michelangelo Antonioni. Où les personnages "prennent leur temps" (même si, chez le metteur en scène transalpin, plus encore qu'une certaine lenteur, c'est l'incommunicabilité qui finit par avoir raison des personnages). À nous donc de comprendre la signification de regards et gestes posés avec une certaine inquiétude, qui se répètent selon une même modalité tout le long du film. C'est en tout cas notre sentiment et, au cas où nous aurions vu juste, le spectacteur est amené à se rendre compte, à travers Yves Montand et Romy Schneider, d'une certaine monotonie, d'une forme d'absurde même, se cachant volontiers derrière le voile de la passion bourgeoise. Une passion où l'on a tôt fait de s'ennuyer un peu ou beaucoup et qui, via certains regards, certains mots, postures et même silences, parvient superficiellement à "meubler une existence". Dans cette manière intimiste de vivre ses sentiments, ce qui fait "cruellement" défaut, à nos yeux, est un véritable échange intellectuel, d'égal à égal (ou presque, vu l'époque...), entre nos protagonistes masculin et féminin. Mais sans doute faudrait-il contextualiser davantage.


Nous avions déjà pu apprécier, en avant-première, "Adults in the room" au cinéma Rialto de Nice, où "il fait bon se rendre" également pour des projections de qualité, et pour nombre de productions transalpines. Voici un film que nous avons déjà évoqué dans notre chapitre dédié à l'Union européenne, au sein de nos Extras. Un portrait aussi individuel que politique, que nous ne pouvons que recommander à nouveau, au cas où vous l'auriez manqué. Et pour mieux œuvrer en ce sens... nous ajoutons ici un entretien France Culture pour tous ceux qui voudaraient prendre le temps (28 mn) d'écouter les éclairages de "l'auteur" et enfant d'Athènes sur ce film absolument remarquable. Avec les mêmes intentions, vous pouvez aussi choisir de rester sur le web de France Culture avec cet autre lien ++.. L'on pourra parfaitement saisir la fine et fidèle description de divergences, bassesses et mesquineries caractérisant  - en très grande partie mais pas exclusivement... - (dés)accords et discussions au sein de l'"union étoilée" du Vieux Continent. Mais on ne condamnera jamais assez, sans doute, avec "Costa", la discrimination des pays du Sud (et de la Grèce en particulier), par les pays du Nord "riches et prospères"... Avec toutes ses conséquences.

La dette disproportionnelle imposée, réelle et symbolique (avec ce qu'elle représente en termes de subordination et d'humiliation) a lourdement pesé sur la terre des philosophes. Et l'idée a été aussi celle d'écraser, de faire oublier devant une urgence économique amplifiée, toute une (immense) culture. Et quelle culture ! Et dire que certains ont avancé l'idée d'anéantir temples et monuments pour économiser sur leur entretien... ! Berceau de la civilisation, et par delà certains paradoxes, la Grèce fait école (dans tous les sens) depuis l'Antiquité, en termes d'exercice de la démocratie et de confrontation politique et idéologique. Sans parler de la conception de la beauté classique, qui prend principalement comme modèle grâces et formes de la statuaire grecque, elle-même source première d'inspiration pour les Romains.

Revenons donc à "Adults in the room", ce film dédié à cette Grèce qui souffre et qui résiste. Face à des hommes politiques adultes qui - comme le souligne le constat, vrai et ironique, du titre - ne sont pas si adultes, concentrés qu'ils sont (volontiers de manière grossière, comme Costa-Gavras donne à voir), sur leur intérêt propre et immédiat, en dépit d'une Europe forte et solidaire sur le long terme. Le film parâit d'autant plus savoureux lorsque l'on sait que le scénario repose sur des enregistrements parlementaires authentiques, autant que sur les poignantes révélations du ministre des Affaires étrangères Yanis Varoufakis. Amers témoignages recueillis dans son un livre, aussi précieux que le film... Néanmoins, nous savons bien que "Costa" reste foncièrement pro-européen. Car il s'agit de croire en une Europe non pas à déconstruire ou à quitter, mais à refonder et renforcer sur de nouvelles bases. Prendre ses distances avec l'Europe des traités pour aller ves une Europe des Nations, fédérale ou presque, que certains appellent déjà les États Unis d'Europe... et qui garderait, par delà toute alliance mondiale, une authenticité et une autonomie propres (sans déchirements ou opérations punitives internes...). S'agit-il là d'une utopie, à l'heure des fils barbelés anti réfugiés, prônés et réalisés par ces pays "européens" conservateurs, faisant bloc contre tout esprit d'accueil à visage humain (cf. notre troisième brève de page) ? Peut-être mais, à plus forte raison, nous pouvons nous demander quelles avancées restent possibles lorsque l'on préfère nier ou écarter utopies et convictions permettant des réformes, aussi progressives qu'indispensables.

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