"L'INFO QUI TUE"...

 

PROTÉGEONS NOS INTERNES !
 


Certes, notre époque abonde en complexité et en "problématiques" diverses et variées, encore moins supportables en ces temps de Covid-19. Et dans moult domaines, toutes catégories sociales confondues, encore trop de personnes vivent dans la détresse qu'on leur impose tranquillement. Mis à part le fait qu'à tous les niveaux cela ne devrait jamais déboucher sur de l'inertie ni même sur un sentiment de fatalité et d'impuissance, il faut retenir que, dans un secteur fondamental comme celui de la santé, et vis-à-vis de ceux qui ont fait le choix difficile de se dédier au soin et aux autres - et qui, vocation à part, n'ont pas des résistances hors norme - des situations particulièrement dramatiques et en tout point ahurissantes perdurent, sans que nos médias - pris entre un scandale, un tremblement de terre et aujourd'hui aussi et surtout par nos bulletins Covid quotidiens - puissent suffisamment s'en occuper pour aider à y mettre un terme.

Ainsi, quand on s'intéresse aux internes en médecine, admettre que nous sommes dans l'urgence... c'est encore ne rien admettre. En ce qui concerne leur parcours et leur intense exercice, il s'agit bien, aussi, d'un vrai scandale, ou d'un tremblement de terre.. car on ne peut que trembler en prenant connaissance des chiffres les concernant, en termes de suicides, conditions de travail obligent : un suicide tous les dix-huit jours.
Cette urgence existe depuis bien trop longtemps, et c'est ce qu'il faudrait d'emblée commencer par admettre vraiment... pour agir aussitôt, quitte à devoir remettre en cause un système bien établi et une polyvalence des rôles (en formation) nécessairement néfaste. Sans compter qu'en principe, lorsqu'on entreprend de changer véritablement la donne, on peut sans doute commencer par intervenir sur le principal élément pointé du doigt... l'impunité du ou des reponsables. « Pour que la peur change de camp ! », comme vous pourrez le lire dans notre prochain "lien #"...

Sans changements structuraux, difficile en revanche d'intervenir sur un élément clé, comme la lourde charge de travail des intéressés... que le Covid a multiplié par dix. Qui dit gestion du temps de travail dit effectifs ; qui dit effectifs dit aussi remplaçants... inexistants. D'où la volonté d'éviter de s'absenter afin de ne pas peser sur ses collègues. Le sentiment insidieux et permanent de culpabilité, lié à plusieurs éléments mais en réalité immotivé, participe inévitablement de l'épuisement, qui à son tour représente un risque pour les patients, qui ne seront pas soignés convenablement ("erreurs" comprises) par un soignant à bout de souffle, de forces et de nerfs...

Car, chez nos internes, à la fatigue s'ajoute encore trop souvent - mais une seule fois serait de trop - la dépression et le dégoût liés à un harcèlement bien "interne", lui aussi. Et l'on s'aperçoit qu'encore une fois, la fiction sociale est en deçà de la réalité  (cf. entre autres réalisations, le remarquable film de Thomas Lilti, "Hippocrate". Nous suivrons, bien sûr, la suite de la série du même nom). Pour s'en convaincre, il suffit de lire des articles comme celui-ci, dans "Marianne". Un compte-rendu à découvrir en cliquant sur l'extrait ci-dessous. Une première action, évidente, est présentée : la campagne #ProtegeTonInterne, menée par les syndicats sur les réseaux sociaux (pour la série "Du bon usage des réseaux sociaux"...).

Une campagne qui, on l'espère, fera (ré)agir surtout nos institutions. Avec nos internes épuisés et harcelés, ce sont aussi nos hôpitaux dont l'âme est condamnée, parce que tout un (ancien) système, où le patient (donc le soin, et donc le soignant aussi) était central (sans recourir à aucune systématisation !) se plie aujourd'hui à de nouvelles aptitudes et exigeances manageriales où l'efficacité, y compris adminstrative (souscrite par certains soignants eux-mêmes sous forme d'actes) et temporelle, ne correspond pas à l'efficacité du soin. Bref, dans ce contexte et ces relations d'équipe devenant volontiers des relations de pouvoir (tout est pouvoir, disait et dénonçait Michel Foucault), la relation humaine apaisée est tragiquement sacrifiée face à la rentabilité ou à des intérêts spécifiques. Celui qui ne voudra pas se conformer à ce schéma sera puni d'une manière ou d'une autre, même s'il aura parfaitement servi, et mieux que d'autres, par ses heures de travail.

Vous ne le savez que trop ? On vous croit : veuillez donc nous excuser pour cette confirmation. Vous avez connaissance de cas de harcèlement, très près de vous (par delà le cas des internes en médecine) ? On peut bien sûr rationaliser, et peser le pour et le contre avant de s'exposer, mais en définitive, il ne peut exister que le "pour les droits et la solidarité", et le "contre les abus et la souffrance infligée" à ceux que l'on isole. Quand ces "repères" (ces évidences) ne sont pas au rendez-vous, malgré les apparences, toutes les équipes en sont fragilisées, car des harcèlements multiformes pourront toucher d'autres personnes.

Mais voici l'extrait de "Marianne" en question, au sujet de toute la détresse, et des suicides, de nos internes (clic sur l'image-extrait ci-dessous pour l'article correspondant).
 


Entretien avec Gaëtan Casanova, président de l’intersyndicale Nationale des Internes (ISNI), et interne d'Anesthésie-Réanimation :



Marianne internes

 

Bien entendu, toutes catégories professionnelles confondues, il existe bien des supérieurs hiérarchiques "OK voire plus". Il ne s'agit donc pas de trop généraliser et de faire tort à ceux qui savent coordonner leurs équipes et les motiver, sans discriminations, avec patience et tolérance, en demandant "parfois" le maximum, mais pas l'impossible...
Naturellement, c'est bien l'impunité vis-à-vis de ces fautifs "intouchables", ainsi qu'une réalité inacceptable, correspondant à ces fréquents passages à l'acte de la part de nos pauvres futurs médecins, qui motive notre article et suscite notre indignation.

Brisons le mur du silence.


Compléments :


- 6 avril 2021 : "Allo Docteurs" (vidéo de 3mn) : "Le magazine de la santé : les internes en grande souffrance".
Dans les commentaires, vous vous étonnez, comme nous, que les médias n'évoquent pas assez ce drame... On peut lire aussi :
« C'est TOUTE la formation des médecins en France qui est à revoir ! » et « Travailler dans le médical, c'est dédier sa vie aux autres. Dommage que les métiers les plus essentiels ne soient pas les mieux payés et les plus soutenus par l'État ».

- « Victime d'un système qui m'a broyée... » : Louise décrit « un système hospitalier inhumain, au bord de l’implosion ».

- 2017 (et actuel), vidéo "Fréquence médicale". Le Dr Valérie Auslender, médecin généraliste, présente son livre "Omerta à l'hôpital" : témoignages de 130 étudiants victimes de violences verbales ou d'humiliations subies dans leur apprentissage.

- L'InterSyndicale Nationale des Internes (ISNI) déclare la guerre à l'omerta... clic sur ce visuel de sensibilisation :
 


Suicide des internes