ON NE NAÎT PAS INFIRMIÈRE - Charline

Un précieux témoignage

 

Un peu de santé chez "Culture & Santé" ! Charline est une infirmière dont le blog vaut le détour. Bienvenue aussi dans son précieux récit aux éditions "J'ai lu", "On ne naît pas infirmière", soit dans ses aventures quotidiennes entre une piqûre, un bon pansement et le reste. Vraiment TOUT le reste. Qui plus est, juste après avoir suivi l'excellent reportage de France 3 intitulé "Infirmières, notre histoire", que l'on vous recommande également. 

Après lecture attentive intégrale, et moult passages consciencieusement soulignés, voici (dans l'ordre d'apparition) les paragraphes ou moments professionnels et émotifs de Charline qui, selon nous, ne demandent qu'à être retenus et partagés :

- Pendant mes études, et même encore aujourd'hui, au bout de dix ans de pratique, je n'ai pas arrêté de rater des soins. Mais j'ai compris ce jour-là qu'il valait mieux admettre qu'on n'y arrive pas plutôt que persister à penser qu'on est infaillible.

- Il y a énormément de choses incroyables et magiques concernant le corps humain que j'ai apprises pendant ces trois années à l'institut de soins infirmiers. Malheureusement, je ne les retenais que le temps de passer mes évaluations. J'ai dû me faire une raison : mon cerveau était beaucoup trop étroit. J'ai donc abdiqué et j'ai opté pour le carnet. Petit et calé dans la poche de ma blouse, j'y ai noté tout ce que j'apprenais en stage, toutes ces expériences venant des soignants qui m'encadraient. Les principales dilutions, le matériel nécessaire pour la pose d'une voie centrale, des schémas d'organes, les surveillances de traitements, les explications de pathologie...

Là où... nous ne sommes pas tout à fait d'accord. Où que se trouve le patient (chez lui ou à l'hôpital) il nous semble qu'aucune "position de force" ne puisse exister mais juste, toujours, le plus grand des respects. Charline : - (...) les chambres des patients restent celles de l'hôpital [elles ne leur appartiennent pas malgré certains élements, photos, dessins et même odeurs, et jusque là on suit...]. Et ce patient est chez moi, dans mon service. Ça ne me met pas en position de supériorité mais je suis de fait en position de force. À domicile, j'ai commencé à voir les soins différemment. C'est le patient qui me choisit et qui m'invite à entrer chez lui, à pousser la porte de sa maison. Des maisons qui ont leurs propres identités, leurs propres histoires. (...) Dans ces maisons, j'entre avec respect [et tant mieux ici car, paraît-il, les attitudes peuvent bien différer ! Et, ce, par delà la distinction avec l'hôpital, fortement soulignée à notre avis, un patient gardant toute son idéntité et son histoire à l'hôpital aussi], et mon territoire de soins se limite à ce qu'on m'offre : une chaise pour ma veste et un bout de table pour poser ma mallette de soins. Je n'ai pas besoin de plus.

- Je voulais exercer un métier qui serait utile à l'autre et qui me permettrait de me coucher en me disant que j'avais fait quelque chose de bien pour quelqu'un sans faire fonctionner une grosse boîte à profits. (...) Maintenant, les concours ont disparu et les inscriptions se font uniquement sur dossier via une lettre de motivation "Parcours sup". (...) Après chaque stage ou validation d'année, nous perdons quelques collègues de promotion. Épuisés, dégoûtés, inquiets, burn-outés ou même suicidée pour l'une d'entre nous. 


Infirmiere outils


- Elle m'avouait être épuisée par la charge de travail et par le manque de moyens alloués à la psychiatrie, cette grande oubliée de la fonction publique hospitalière. Les projets de soin qui ne pouvaient aboutir faute de soignants et faute d'argent, le remaniement des services, les suppressions de lits, de postes et les changements récurrents d'équipes qui empêchaient de construire la cohésion nécessaire à la sécurité des soignants et au bon équilibre des patients.

Puis Charline fait parler sa collègue aide-soignante : - Je l'aime, moi, ce travail. Ce sont nos conditions de travail que je n'aime pas. Les résidents, ce ne sont pas mes grands-parents, mais c'est tout comme. Avec le temps, on s'y attache, je les connais mieux que mes propres parents. Mais tu sais ce qui est dur ? C'est de me dire que je n'aimerais pas qu'on traite mes grands-parents comme je soigne mes résidents (...) Mais comment voulez-vous être bienveillant quand on vous donne dix minutes pour réveiller, laver, habiller et installer convenablement un patient ? (...) Même avec des sourires et des gants qui sentent bon le savon, rien ne permettra mieux la bienveillance que ce temps dont on nous prive auprès de nos patients. Mais pour avoir le temps, il faut être en nombre, il faut embaucher des soignants.

La conclusion de Charline : - C'est un métier où nous prenons soin des gens trop malades ou pas assez en bonne santé. Un métier pour lequel nous sommes toujours trop en retard pour nos patients et jamais assez à l'heure pour nos proches. Un emploi où on nous reprochera d'être trop investies et de ne pas prendre assez de recul. Un travail exigeant, pour lequel nous ne serons jamais trop rigoureuses ou trop organisées mais qui souffre de ne pas avoir assez de moyens et de reconnaissance [ce qui nous rappelle surtout la situation des professeurs]. Un métier frustrant à force d'être trop pressées dans nos soins [féminin pluriel qui ne doit pas faire oublier les hommes infirmiers], pas assez à l'écoute de nos patients, d'être trop peu de soignants, pas assez dans le relationnel ou trop dans la paperasse.