Le théorème de Marguerite - Anna Novion

 

MARGUERITE OU LA FOLIE DES MATHS

 

Theoreme marguerite


Le tube de Richard Cocciante
 "Marguerite" (ne serait-ce que sa base musicale) aurait eu toute sa place dans la bande son du film, pour reconquérir un peu de cette féminité qui, la protagoniste le sait bien, lui fait défaut... Un prénom assez rare pour une étudiante aussi rare de par son niveau, excellentissime. Un personnalité assez rare également par son attitude... un peu à côté (certains critiques ont bien pensé à une aliénation de type autistique). À côté de la plaque (on se souvient des chaussons à l'ENS, assortis aux cheveux gras) mais toujours "bien dans son ardoise" ; une ardoise rencontrant sa craie et ses mouvements "si parfaitement logiques", toujours plus souvent et densément, y compris dans sa chambre de coloc', où un mur entier se transforme en base indispendable pour s'entraîner, seule puis en "douce" (avec puis sans guillemets) compagnie. Puis, petit à petit, le cadre des pros de la recherche repousse toutes les limites... et même le papier hygiénique n'est pas épargné.

Mais Marguerite reste un être humain, avec ses failles... Son directeur de thèse Jean-Pierre Darroussin - excellent dans son attitude très mitigée et quelque peu orgueilleuse (cet orgueil pourtant condamné, ressurgit chez lui derrière sa réplique finale, ce « c'est mon élève », contrastant avec ses clairs renoncements...) - avait refusé de relire sa thèse, avant solennelle exposition. Et voilà que tout s'écroule. Car tout peut s'écrouler si un collègue particulièrement attentif et brillant décèle une erreur de base... qui invalide toute démonstration ultérieure.

Ce film donne à voir l'exclusivité de la recherche (au quotidien, absence totale de télé à remarquer aussi, et pas seulement pour Marguerite !). Et pourtant, « il y a un monde à part les maths ». "Info" essentielle et grave... En même temps l'on n'obtient rien sans sacrifice ni sans savoir se concentrer et "rebondir" comme on dit (mais renoncer à toute son attention à notre actualité reste grave, encore une fois...). Autrement dit, Marguerite au parcours tortueux depuis sa fameuse faille, le jour de son exposition de thèse, finit ensuite par retrouver pleinement sa bosse des maths. Non sans passer par certaines expériences à la limite du "surréalisme". Des aventures qui peuvent être vraies tout en étant en même temps caricaturales, ce qui peut induire quelques perplexités chez le spectateur. Entre boîtes de nuit très hot et nuits passées à noircir pages et ardoises pour sa recherche, et par delà l'instinct subit de "drague intempestive", il y a peut-être un monde du milieu, un niveau intermédiaire, une sorte de demi-mesure. Certes plus difficile à décrire mais dont on regrette l'absence, et qui aurait bien mérité le détour, avec un maximum de vraisemblance.

Bien vu en revanche, le personnage de la mère de Marguerite, campé par la célèbre et talentueuse Clotilde Courau. Une mère à la fois présente et absente, qui s'indigne pourtant et met en garde sa fille contre sa pratique du jeu d'argent (pour le Mah-jong exactement). Une dérive que Marguerite - comme moult mathématiciens comptant sur leur écrasante logique - finira par regretter... mais des scènes coupées existent peut-être à ce sujet, vu que le metteur en scène ne semble pas aller jusqu'au bout du douloureux renversement de situation.

Ce long-métrage est une plongée dans le monde académique, donnant à voir les rapports complexes entre protagonistes (ce qui n'empêche pas des scènes peut-être un peu trop primaires, et le passage par la fameuse case "petits boulots"). Une quête d'identité, de confiance en soi (paradoxale), un hommage à la détermination, à l'audace qui, dans ce contexte exigeant, disons-le, passe bien par la case de la déraison. Tout doucement, Margurite saura dépasser ce stade, mais le temps de la folie pure et dure, le temps de faire ses preuves dans tous les sens et à tout prix, est bien visible. Et, en ce sens, la tension est bien présente aussi. Une tension continue, peut-être pas si lointaine de celle d'un thriller psychologique. Aucun meurtre (!), mais... le danger de mourir dans l'âme, opposé à une passion qui, heureusement, pourra s'exprimer au mieux et être reconnue malgré les erreurs passées, tandis qu'un amour consistant et fait de partage pointe enfin son nez.

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