L'URGENCE DE RALENTIR - Philippe Borrel


REFUSER LE RYTHME DU PROFIT

 

Parfois (ou souvent ?) l'on est bien déçus par certains films ou même par certains documentaires (y compris pour le style). Nous restons indifférents ou presque, ou encore neutres ("bof bof" malgré quelques bonnes ou très bonnes idées parfois...). Assez souvent par ailleurs, il y a écart entre certaines fières surexpositions médiatiques et la vraie valeur ou essence du film. Dans ces cas de figure, inspiration zéro pour que nos impressions - qui ne s'impriment pas ! - finissent aussi dans nos pages (et vous nous excuserez, dans l'autre sens, pour l'absence possible de certains films "unanimement" remarquables - pour nous aussi -, pour raisons logistiques et/ou purement existentielles !).

En général, le genre du documentaire-reportage social échappe à toute banalité, monotonie, ou morosité éventuelle. Bien au contraire, il fait montre d'une grande intelligence, d'une intelligence chorale offerte par l'ensemble des intervenants. C'est bien le cas de "L'urgence de ralentir", réalisé par Philippe Borrel et présenté par Cinétévé et Arte France, sur une idée originale de Noël Mamère. Un titre-oxymore qui résume parfaitement de quel côté devrait se situer l'urgence pour qu'il ne soit pas trop tard... même si "globalement", on le sait, il est déjà trop tard.

Ceci amène à une petite précision... Notre DVD, emprunté à la bibliothèque  - ou "bibli" ;) - est daté de 2014 et pourtant... il n'a pas pris une ride ! Au contraire, cette urgence (de ralentir) est encore plus grande. Nous sommes en présence de cinquante-deux minutes de contenu à haute teneur économique, sociale et philosophique (à commencer par la notion de temps), qui se regardent "comme on boirait un verre d'eau". Un approfondissement indispensable qui passe très bien, sans lourdeurs inutiles, dans un véritable esprit finement didactique.

Et voici donc les propos que nous choisissons de reporter pour "Culture & Santé".  Éminente introduction d'Edgar Morin à part, celle qui nous parle clairement d'exploitation (liée donc à la vitesse, à des rythmes harassants et abrutissants) s'appelle Esperanza Martinez, et elle est présidente de l'ONG "Acción ecologica" : « Nous vivons dans une logique de consommation, d'extraction et d'exploitation petrolière [et autre !] absolue, qui plonge l'ensemble de la planète dans la crise. Nous devons changer de modèle ».

Citons aussi le début du film en voix off. « Qu'avons-nous fait du temps ? Toujours plus rapide, toujours plus efficace, toujours plus rentable, le temps ne semble plus pouvoir échapper à la commune mesure de l'argent. Nous sommes entrés dans l'ère de l'accélération, de l'immédiateté devenue norme ». Puis on enchaîne avec le premier profil, direction l'Italie... avec la rébellion contre le projet de la ligne ferroviaire à moyenne vitesse Turin-Lyon, donc avec les anti TAV ou "no TAV".

Plus tard et par ailleurs, il sera question aussi, un peu, de monnaie localisée, en signe de protestation contre le dieu argent. Une initiative qui, formellement et concrètement, est pour nous beaucoup moins convaincante face à l'euro (risque de repli identitaire), mais passons... Mis à part cela, nous prenons note des observations de Lionel Austruc, auteur de "(R)évolutions" :  « L'économie relocalisée, c'est une économie qui est plus résiliente [adjectif que vous connaissez sans doute]. C'est à dire qu'on résiste beaucoup mieux aux chocs extérieurs lorsqu'on a une économie locale solide ». À l'évidence, depuis le temps de notre DVD, nous avons eu tout "le loisir" de nous plonger tête baissée dans une globalisation extrême, avec toutes ses conséquences.

Retenons enfin, chers lecteurs, les mots d'une économiste et maître de conférences, Geneviève Azam : « Ce que nous vivons c'est vraiment la colonisation du temps humain dans toutes ses dimensions biologiques, sociales et écologiques, par le temps économique [et si cela n'était "qu'une question de temps" ! L'être humain tout entier (dans le camp des "dominés", comme on dit sociologiquement) en est profondément affecté...]. C'est cela qui me paraît fondamental : l'absorption par le temps économique. C'est un temps vide et là il y a des acteurs qui sont responsables : milieu financier, banques, toute une partie de l'industrie. Je pense à toute la logique des actionnaires en entreprise, qui demandent une rentabilité absolument immédiate, et la plus forte possible... ». Oups, ci-dessous, vous avez accès à l'intégralité du film, sans aucune inscription préalable. Ce qui ne nous fait pas pour autant "regretter" notre synthèse écrite avec liens :)

Veuillez donc copier-coller ce lien : https://vimeo.com/252322351 ou bien cliquer ici et bon film ! Pas trop le temps (pour l'instant !) ? Alors voici au moins la bande-annonce :