L'APPRENTI (The apprentice) - Ali Abbasi
QUELLES COULISSES ? POUR QUELS POUVOIRS ?...
L'apprenti d'Ali Abbasi est une plongée dans les coulisses du pouvoir ou plutôt du "pré-pouvoir", car il s'arrête là où commence la carrière politique d'un certain Donald Trump ; un Donald qui n'a pas grand chose à voir avec le Donald Duck des bandes dessinées que l'on sait (pensez plutôt à l'oncle Picsou, et encore !).
Un brin de naïveté quand même, au tout début du film ? Peut-être, mais elle est largement dépassée par l'admiration sans bornes pour ceux qui sont devenus, à force de sourires sarcastiques, double "jeux" - au sens propre et figuré - et présomption sans scrupules, ses mentors, finissant par lui indiquer le chemin vers l'ascension...
Un seul chemin, loin de toute morale et de tout constat amèrement réaliste sur le sale état - dans tous les sens - de notre pauvre planète, d'une planète qui se meurt (malgré ce que disent certains, justement !), et qui ne peut se permettre une autre élection trumpiste au sommet, un "pari" qui fait l'actualité - à l'heure où nous publions - face aux discours, aux ripostes et au courage d'une femme à convictions comme Kamala Harris.
Dans ce biopic, parfaitement cadré temporellement donc, le ton est clairement donné. Même si nous ne voyons pas le Trump animateur télé vedette, celui qui se permet largement d'exclure certains candidats, ou "maillons faibles". L'assaut du Capitole étant également une autre "grandiose pierre à l'édifice"...
Par delà ces éléments aussi accablants qu'absents, la logique sauvage du looser et du winner est bien là, dans les faits, et cette binarité plus que simpliste se résume en quelques "principes" sordides, que notre Rastignac made in USA doit faire siens, entre une "fiesta party" et l'autre (car les principes, ça fatigue, et les "fêtes" ne peuvent rien exclure !), sans objection aucune.
Plus précisément, la méthode du "manger sans être mangé" (ici aussi, remarquable régression) se résume en trois points (venant directement de Roy Cohn, avocat conservateur et entremetteur politique) : 1) attaquer, attaquer, attaquer / 2) ne rien avouer, tout nier / 3) quoi qu'il arrive, ne jamais admettre la défaite, toujours revendiquer la victoire. On en a la chair de poule !
Or, en y songeant rien qu'un peu, ces dispositions d'esprit ne feraient pas long feu si notre démocratie, à échelle mondiale, avait des bases beaucoup plus solides. Si elle n'avait pas été déchirée à plusieurs niveaux, politique, économique et social (via les moyens de communication surtout). Mais nous nous sommes "habitués", hélas, au racisme, à ses mots et maux, et aux murs (de l'esprit et bien réels) de l'intolérence. Dans ce contexte facile et lâche, l'indifférence s'oppose à la solidarité et même à l'empathie. Nous nous déshumanisons, et depuis longtemps...
Même si ici il s'agit clairement d'un film à contenus, d'un point de vue technique, il paraît que la précédente réalisation d'Ali Abbasi était encore meilleure ("Les nuits de Mashhad"). Et nous ne pouvons qu'avoir envie de mieux connaître les autres films de ce réalisateur - et scénariste et monteur danois d'origine iranienne... le beau mélange ! - , pour mieux accueillir son œuvre, dans la "case" de notre cerveau nommée "esprit critique". Une case qui est peut-être en cours d'extinction pour le genre humain, toujours contraint à obéir dans son milieu professionel surtout, souvent fait de polyvalence a gogo et de servitude.
Dans tous les cas, rien qu'en regardant cet opus, on ne tarit pas d'éloges envers le réalisateur et ses acteurs. En d'autres mots, on peut compter sur Ali Abbasi pour de fines et claires analyses de ce que l'American Dream est devenu (il y a longtemps déjà, port d'armes compris et ses conséquences), après être passé néanmoins et il n'y a pas si longtemps par le stade Barack Obama, sur lequel (noblesse d'âme oblige), nous nous étions déjà penchés.
À voir pour comprendre, et pour mieux espérer.