MONDE ÉTERNEL ET PRÉCAIRE...
"Seule la terre est éternelle" est le film hommage au grand écrivain américain Jim (James) Harrison - conseils de lecture... - présenté en avant-première dominicale à la veille du printemps, et à l'occasion de ce Printemps du Cinéma 2022, au Pathé Masséna de Nice. Le tout, en présence de François Busnel, animateur fort apprécié et aux commandes de "La Grande Librairie" sur France 5 depuis quatorze ans (émission "cult" déjà invitée parmi nos premières infos). Équipé d'une veste lumineuse et d'un foulard esprit USA, Busnel a surtout endossé ici ses casquettes de co-réalisateur et de scénariste sérieux, enthousiaste et disponible, face à un public nombreux et très réceptif. Un travail passionné, au service d'un film, a-t-il précisé, à la croisée des genres (documentaire surtout, un peu road movie...). Bref, un "bio-doc" valorisant l'Amérique la plus riche en atmoshères, celle des beautiful landscapes (se faire une petite culture "Larousse"...). Une œuvre qui voit le jour grâce à l'heureux tandem avec Adrien Soland (réalisateur de "La Grande Librairie"). Montage confié à Camille Dalbera, intervenue également auprès du public. Et un film mettant à l'honneur surtout, dans un cadre si particulier, un message d'authenticité, offert à la fin de son existence par ce célèbre écrivain à l'âme de philosophe, refusant d'abord toute proposition filmique le concernant... Et souhaitant partager son expérience avec le sourire. Malgré tout ce qui a pu le révolter abondamment... à commencer par le consumérisme effréné qui a dominé et abîmé le XXème siècle (et suivant), affectant principalement l'Amérique urbaine.
Le spectateur se sent un peu comme en famille face aux confidences et aux citations de cet intellectuel des plus concrets, dont les poèmes seraient particulièrement limpides et accessibles aux plus réticents en la matière (l'on vérifiera aussi, avec plaisir...).
Son conseil le plus simple et le plus désarmant face à la mélancolie et à la douleur qui nous guettent ? Contempler une wild river, ou toute autre merveille naturelle, et laisser son chagrin (ou sa douce folie...) s'évaporer.
Pour François Busnel, même si le terme n'est jamais employé dans cet échange, sans doute par modestie, Harrison est le premier des écologistes. Mais... va-t-il pour autant nous convaincre totalement que seule notre planète est éternelle, au beau milieu de l'éventail de menaces pesant sur l'humanité ?!... Oui, pour peu que l'on cueille vraiment le sens du titre choisi pour ce long-métrage ("long" : près de deux heures d'échanges, mais pour une très bonne cause !!). C'est en tout cas notre lecture (qui reste attentive à tous les possibles, avec le concours du changement climatique surtout...) : notre univers contient en lui-même, et encore, malgré tous nos mauvais (scandaleux) traitements, quelque chose d'éternel, au sens d'inviolable, d'infiniment précieux. Et, en théorie, ce quelque chose est plus solide encore que nous tous, pauvres mortels... Il ne sert à rien, donc, de vouloir dominer notre milieu. Car l'on ne sait que trop bien où cela mène et même où cela est en train de nous emmener. Mais Harrison tenait à faire passer ce message - celui d'une terre forte et qui le restera si l'on veut - avec une belle énergie, des plus indispensables pour ne pas se laisser abattre.
Sur un autre plan, un plan bien plus indigeste, et il s'agissait sans doute de la partie la plus tragique de son discours, il s'est attardé sur l'une des plus violentes attaques contre l'homme et la nature... L'attaque colonialiste ou massacre des Indiens d'Amérique et de leurs bisons, en 1890, dont il fallait surtout anéantir les ressources. Photos choc de cadavres, de montagnes de squelettes... et, surtout, de montagnes de fierté.
« C'est le résultat déplorable de l'avidité humaine, s'empresse de préciser Harrison, ou d'une "nature" à rejeter en bloc », diamétralement opposée à ce qui fait de nous des êtres humains à part entière.
Quelle culture pour valoriser notre nature la plus évoluée, ou pour transformer certaines très mauvaises natures ? Et surtout, donc, quelle(s) nature(si), aussi ? Bien qu'en principe, les deux notions s'opposent - quand leur sens est respecté - la complexité du monde et la barbarie (ainsi que la stupidité et l'ignorance humaines) imposent de regarder cela de plus près. C'est à dire d'examiner nuances et différences. Et, lorsque ces nuances n'existent plus ou seulement formellement - car, concrètement, nous sommes en présence de valeurs ou de droits absolus - il nous incombe de reconnaître le mal (et le Mal), et de nous y opposer de toutes nos forces, même avec d'inévitables "efforts diplomatiques" en toile de fond... Efforts qui, paraît-il, ne serviraient aujourd'hui qu'à mieux détourner l'attention de ce que l'on ose toujours commettre sur le terrain... D'autre part, les risques sont là, pour nous tous, et il nous faut trouver le(s) moyen(s) de sortir de cette impasse, après tant de victimes et exactions... Le parallèle entre les propos du film, auxquels nous faisions référence (avidité...), et ce qui se déroule actuellement, est fort perceptible en tout cas (par delà toute distinction temporelle).
« Bien sûr, je le disais à toute l'équipe, nous a répondu François Busnel. Si Jim Harrison était encore parmi nous, s'il était amené à suivre, comme nous, les horreurs subies aujourd'hui par le peuple ukrainien... Il en parlerait avec la même profonde douleur. C'est terrible ». La haine se poursuit mais, à tout niveau, la résistance aussi...
Sortie officielle du film le 23 mars... Consulter la page dédiée de France Inter, antenne partenaire.