ALBERT CAMUS
En cette année 2020 qui se termine, on commémore les soixante ans de la disparition d'Albert Camus ("Culture & Santé" se souvient très bien des cinquante ans et des recueils et vitrines en son honneur). À partir des années lycée, on se doit de connaître sa poétique de l'absurde qui, entre autres éléments, accompagne son parcours d'écrivain, de romancier ou de philosophe s'étant essayé avec autant de succès sur tous les tableaux, dont il saisissait pleinement l'importance transversale. Une poétique dont il a pu offrir également une belle synthèse... Dans cette citation poétique, c'est à la notion de bonheur que l'absurde est intimement associé, ce qui peut réellement surprendre : en effet, ni stupeur, ni tristesse, ni véritable révolte cette fois.
Même un état suprême de contentement pourrait mener selon Camus à la prise de conscience du caractère incongru de notre vie, tandis que l'on préfère taire ici les retombées plus négatives pouvant surgir de cette clairvoyance nouvelle. L'adverbe forcément laisse percevoir que l'on peut même tirer satisfaction de cette découverte lucide de l'absurde... En tout cas, on sait que pour Camus, contrairement à Satre, la rencontre avec l'absurde enrichit et encourage, même si elle est d'abord très difficile, laissant l'homme seul face à son destin. Car elle suppose toujours une révolte, pour être fidèle à sa nature d'être humain : malgré l'inévitable désespoir, il faut savoir se tenir debout pour conquérir une nouvelle liberté intérieure, avec dignité (« il faut s'imaginer Sisyphe heureux »). En disant oui aux vraies valeurs, sans pour autant renoncer à l'espoir, qui se mue très vite en une bataille réfléchie contre toute forme d'injustice. Pour éviter que le monde ne se défasse ou se perde, avant de pouvoir l'améliorer... ensemble : « Je me révolte, donc nous sommes ».
En atténuant (presque en effaçant) ici le contraste entre bonheur et absurde, Camus, homme de lettres et journaliste dont la pensée ne cesse d'être éclairante et précieuse, montre son visage simple et combatif, ensoleillé, sans aucune énigme ou incertitude littéraire, parfois déroutante. Et incite ses lecteurs, de tout âge et de tout milieu, à regarder en face notre condition d'hommes et de femmes fragiles, ensemble : « Je me révolte donc nous sommes ».
LE BONHEUR ET L'ABSURDE
Le bonheur et l'absurde sont deux fils de la même terre.
Ils sont inséparables.
L'erreur serait de dire que le bonheur naît forcément de la découverte de l'absurde.
Il arrive aussi bien que le sentiment absurde
naisse du bonheur.